20 juin, Fête du jeune président
Dieu du ciel que le temps passe vite! Mon bébé fête ses 50 ans demain.
Je me réjouis tellement d’avoir mes enfants autour de moi et surtout du fait qu’ils ont amené en ce monde six magnifiques petits-enfants et deux arrière-petits-fils. Avec mes quatre vaccins et le virus qui tire de la patte, il est à prévoir que nous allons nous réunir pour déjeuner d’ici la fin de l’été. Et je jubile juste à y penser.
Dans la grande cuisine des Laurentides, nous abouterons deux grandes tables et HOP! Marmaille familiale et proches amis vont tous se bourrer la fraise à satiété. Sans contredit, j’ai un peu d’expérience en festins matinaux. Tellement que, juste à en parler, mon cœur palpite.
Très cher jeune président, bonne fête!
Pourras-tu un jour me pardonner de t’avoir savonné les oreilles plus souvent que nécessaire avec mes fameux conseils, mes phrases de gourous spécialement copiées pour toi, mes listes de livres à succès d’affaires à lire absolument, et toute la panoplie de proverbes inspirants que j’inscrivais partout dans nos agendas de travail et ailleurs dans nos documents de communication?
Comme un bon fils, tu lisais et tu écoutais plus pour moi que pour toi. Te souviens-tu des petites phrases que je te récitais à nos débuts pour t’encourager? Je te disais que si nous travaillions très fort, un jour nous aurions des dizaines d’établissements que tu irais visiter en avion partout dans le pays? Et que si nous savions économiser, un jour tout irait très bien.
Je suis presque certaine que tu ne me croyais pas, car moi-même je n’arrivais pas à m’en convaincre. Mais je continuais à planter des graines dans ta tête et, par ricochet, dans la mienne. Pour te réconforter, j’imaginais toutes sortes d’aboutissements favorables, des rêves auxquels s’accrocher, des bonbons imaginaires pour adoucir la sévérité de notre existence d’alors. Tu me laissais faire en continuant d’éplucher tes centaines de kiwis pour le service du week-end.
Placide et vaillant, tu brassais, chaque matin, des litres et des litres de mélange pour crêpes pour le lendemain. Tu as toujours été plus patient que la patience et envers moi, malgré ton jeune âge, plus dévoué que la dévotion elle-même. Tu apprenais en travaillant. La plupart du temps silencieux, tu vérifiais chaque geste, inspectais chaque plat, t’informant presque quotidiennement si nous avions assez d’argent pour payer nos factures.
Je me souviens, dans nos premiers restos, à quel point tu insistais pour faire toi-même les tâches dangereuses comme nettoyer les conduits de ventilation, brocher les pancartes hautes sur les murs, laver les grandes plaques chauffantes ou couper toi-même le jambon avec le « trancheur automatique mangeur de doigts ». Tu disais qu’il fallait éviter à nos employés les accidents de travail et toujours les encourager en les aidant à l’occasion à sortir les ordures, à balayer les planchers ou à laver la cuisine.
Promu au comptoir à fruits au troisième resto, tu as rédigé pour les jeunes fruitiers dont tu étais responsable un premier fascicule de formation : comment nettoyer, laver à grande eau, couper les fruits et les disposer joliment dans les assiettes au menu.
Tu as continué, en gravissant les étapes, à documenter les procédures d’opérations et de bonne gestion d’un établissement. Et lorsque nous sommes devenus franchiseurs, tu étais prêt à relever le défi.
Très cher fils, tu n’as jamais cessé de collaborer à l’avancement du concept Cora. J’étais peut-être la source de l’entreprise, mais toi tu étais l’artisan créateur de tout notre système d’exploitation. J’ai tellement compté sur toi, cher fils, sept jours sur sept, le jour comme le soir au besoin. Et malgré cela, chaque mois de septembre, je t’incitais à aller parfaire tes connaissances à l’école des hautes études commerciales.
- « J’irai plus tard, Mother », me répondais-tu chaque fois. « Maintenant, je suis beaucoup trop occupé à construire l’entreprise. »
Et j’ai finalement compris que l’entreprise ne pouvait pas se passer de toi. J’ai compris que moi, je ne pouvais pas me passer de ton jugement à toute épreuve, de ta solidité, de ta confiance dans notre concept et de ta capacité incroyable à dédramatiser les grosses difficultés. Sache, cher fils, que tu es devenu par toi-même le grand patron, l’autorité après le SOLEIL.
Sache aujourd’hui que c’est pour la forme que je t’ai nommé président en 2007, pour officialiser ce qui se produisait déjà entre nous, au quotidien. Nicholas, c’est l’entreprise qui a été ton université; sans jour férié, sans congé de maladie, sans week-end de bombance ni vacances estivales. Préservé de l’arrogance qu’auraient pu t’apporter trop de diplômes et à l’abri de la terrible technocratie de certains courants de « management », tu es demeuré un humble et dévoué serviteur de l’entreprise.
Te céder ma chaise, cher fils, demeurera le geste le plus significatif que j’aie pu faire pour l’avenir de notre entreprise. Avec mon cœur, ma plume et toute ma dévotion, je veux maintenant être pour toi un précieux soutien comme tu l’as été pour moi toutes ces années passées.
Très cher Nicholas, les semences dans nos têtes sont devenues des vergers et tu voles maintenant d’un océan à l’autre pour visiter tes établissements et vérifier la qualité des récoltes. Je n’ai donc plus rien à t’enseigner que tu ne découvriras par toi-même dans le sillage de tes expérimentations. Bonne fête!
Ta maman qui t’aime infiniment.
Cora
❤
P.-S. – Si quelqu’un te traite d’amateur, rappelle-toi que ce sont des amateurs qui ont bâti l’Arche de Noé et des professionnels qui ont construit le Titanic. (Anonyme)