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23 octobre 2020

Deux immenses cadeaux d’un seul coup effacent ma triste vie d’avant!

Et oui! Comme à plusieurs, des malheurs de toutes sortes me sont arrivés avant que j’embrasse ma vocation de restauratrice. Une histoire à faire brailler le monde que j’ai pourtant écrite en 2013 pour m’en libérer et qui reste depuis bien enfouie dans le plus profond des tiroirs jusqu’à ce que me vienne l’audace de virer mon cœur à l’envers en public. Bref, en 15 mots : j’ai tragiquement manqué d’amour et je n’ai pas pu poursuivre mon rêve de devenir écrivaine.

Quelques détails vous sont pourtant utiles pour comprendre l’immensité des deux cadeaux reçus en devenant cuisinière/restauratrice à 40 ans.

Je vous ai parlé de ma fascination pour l’alphabet, de ma découverte de l’écriture et de ma passion d’écrire. J’ai étudié très longtemps la littérature, l’histoire, la philosophie et la mythologie, ainsi que le latin et le grec ancien. Tout ça avec ténacité et détermination parce que, dans ma tête, j’allais devenir écrivaine. Et voilà qu’en dernière année d’un curriculum de huit ans, un bébé dans mon ventre me force à épouser le mauvais Valentin. Et de moi-même, je gâche ma vie en me faisant accroire pendant treize misérables années qu’il allait finir par changer. Et finalement, un bienheureux coucher de soleil m’amena à un lendemain de tous les possibles.

Divorcée sans provisions, je cherche du travail. Trop éduquée ici et pas assez ailleurs, on m’engage pourtant dans un grand restaurant populaire ou je travaillerai du matin au soir, six jours par semaine pendant cinq ans. Et c’est ainsi, en économisant même les cennes noires, que je réussis à acheter un misérable casse-croûte qui devint un fameux petit resto de déjeuners, qui lui-même devint le premier maillon d’une grande chaîne de restaurants dispersée dans toutes les provinces canadiennes.

Si vous aviez envie de pleurer aux premiers paragraphes, séchez vos larmes, car maintenant je ne suis plus du tout à plaindre. Au grand contraire, c’est dans ce tout premier petit resto que j’ai reçu les deux immenses cadeaux qui allaient transformer toute ma vie. Certes, au tout début, lorsque j’ai compris que j’allais être la propriétaire, la cuisinière, celle qui fait les achats, le ménage et la comptabilité, mon cœur pleurait en silence en cassant les œufs sur la plaque chauffante et en regardant mes trois ados presque obligés d’aider leur mère à y arriver.

Habituée à accepter mon sort avec courage et résignation je voulais, à tout prix, gagner de l’argent pour offrir à ma progéniture une nouvelle vie au moins acceptable.

Et voilà qu’à travers les demandes des clients, mes meilleures intentions de les satisfaire et une créativité soudainement réanimée comme par magie, une intelligence beaucoup plus intelligente que la mienne me fait comprendre une vérité essentielle. C’est le premier cadeau :

On peut créer avec autre chose que des mots; on peut créer avec n’importe quelle matière première. Picasso le faisait avec de la peinture, Rodin avec le bronze, le célèbre Bocuse avec de la nourriture, et la grande Margaret Atwood avec des mots. Moi qui croyais ma créativité morte et enterrée, je comprends alors qu’elle était juste endormie; comme la Belle au bois dormant. Me voilà donc à créer une histoire avec des fraises dansant sur une crêpe; avec dix ingrédients emmitouflés dans une omelette à trois œufs; avec une échelle de pommes grimpant sur une coupe de yogourt; avec n’importe quelle denrée apprêtée avec délicatesse et imagination.

Voilà que ces petits chefs-d’œuvre sont quotidiennement exposés au centre d’une belle assiette blanche et adulés de tous. Voilà que tous les gestes du quotidien attisent ma créativité. La couleur des aliments, leurs formes, une coupure de carambole ou une pliure de grande crêpe. On dirait soudain que dans le boui-boui tout est saupoudré de folle magie, d’inusité et de « jamais vu ailleurs ».

C’est peut-être naïf de ma part, mais je vous assure que cette révélation a changé ma vie. Moi qui avais renoncé à mes rêves depuis tellement longtemps; renoncé à mon excentricité, à mes poèmes et à mes transgressions quotidiennes. Voilà que dans une petite cuisine de quartier, entre le gros frigo double et la plaque chauffante de six pieds, je me transforme en petit génie créatif. Comme par magie, presque chaque jour, j’invente un nouveau plat; je lui donne un nom farfelu, je dessine son illustration sur les murs et je consigne son histoire dans un journal de bord où je dépose presque chaque soir un court poème.

Après tant de noirceur, l’inspiration m’est revenue; comme un véritable cadeau du ciel. Et, avec elle, une curiosité hors du commun pour dénicher tous les filons d’or entremêlés aux brouhahas du quotidien. Ce nouveau métier en cuisine que j’avais endossé par dépit, le voilà magnifié. Il est devenu non seulement mon gagne-pain, mais un atelier d’artiste; une fontaine inépuisable de bonheur.

J’écris, j’écris et vous chers lecteurs, vous vous demandez où est le deuxième cadeau. Eh bien, sachez qu’il est encore plus gros que le premier.

Mon père aimait ma mère et celle-ci aimait un protestant que l’Église d’alors lui avait interdit d’épouser. Et c’est dans cette réalité exempte d’amour qu’une studieuse intellectuelle comme moi, à la fois passionnée de poésie et ignorante des aléas de l’amour, s’est trouvée privée d’affection jusqu’à ce que, dans un tout petit boui-boui de quartier, un miracle se produise.

Lorsque je servais une belle assiette à un client, il était d’abord ébloui, puis il me manifestait son affection sous forme de tendres félicitations, d’encore plus tendres remerciements et de promesses de revenir le plus souvent possible.

Ce sont ces premiers clients qui ont ouvert mon cœur à l’affection, à la tendresse et au véritable attachement. Je m’en souviens très bien, malgré la fatigue, le travail acharné et les semelles en feu, j’ai continué à avancer parce que je voulais tellement être aimée.

Tout en poursuivant ma recherche d’affection quotidienne, je me suis mise à voir grand. À rêver grandiose et à prendre conscience que nous étions en train de créer un phénomène plus gros qu’un petit resto accueillant. Puis les nombreux clients devinrent des milliers de clients qui nous firent réaliser que nous avions créé une façon bien particulière d’offrir de la nourriture matinale. Eux-mêmes parlèrent en premier d’un nouveau concept de restauration.

Moi-même submergée d’amour et de compliments, je ressentais le bébé qui bouge, l’œuvre en moi, la glaise qui prend forme. C’était comme si j’entendais l’histoire se déployer avec ma propre vie embellie au cœur du récit.

Le deuxième cadeau c’est cet immense attachement entre la clientèle et moi; un amour capable d’enfanter une entreprise magnifique.

      ❤️

    Cora

Psst : Merci tellement fort à chacun d’entre vous qui entretenez, en me lisant, cette délicieuse fidélité.

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