Dimanche le 20 juin, fête des papas.
Dieu du ciel que le temps passe vite! Mon bébé fête ses 49 ans aujourd’hui.
Oui, oui! Sa sœur a 52 ans et son frère 53.
Je me réjouis tellement de les avoir autour de moi et surtout du fait qu’ils ont amené en ce monde six magnifiques enfants et un arrière-petit-fils venant du plus vieux des garçons (34 ans).
Avec mes deux vaccins et le virus qui semble tirer de la patte, il est à prévoir que nous allons nous réunir pour déjeuner chez grand-maman d’ici la fin de l’été. Et je jubile juste à y penser.
Dans la grande cuisine des Laurentides, nous abouterons deux grandes tables et OP! marmaille familiale et proches amis vont tous se bourrer la fraise à satiété. Sans contredit, j’ai un peu d’expérience en festins matinaux. Tellement que juste à en parler, mon cœur palpite.
Très cher jeune président, bonne fête des papas.
Pourras-tu un jour me pardonner pour t’avoir savonné les oreilles plus souvent que nécessaire avec mes fameux conseils, mes phrases de gourous spécialement copiées pour toi; les listes de « best-sellers » d’affaires à lire absolument et toute la panoplie de proverbes inspirants que j’inscrivais partout dans nos agendas de travail et ailleurs dans nos documents de communication?
Comme un bon fils, tu lisais et tu écoutais plus pour moi que pour toi. Te souviens-tu des petits mensonges que je te racontais à nos débuts pour t’encourager? Que si nous travaillions très fort, un jour nous aurions des dizaines d’établissements que tu irais visiter en avion partout dans le pays? Et que si nous savions économiser, un jour tout irait très bien.
Je suis presque certaine que tu ne me croyais pas, car moi-même je ne pouvais pas en être convaincue. Mais je continuais à planter des graines dans ta tête et par ricochet dans la mienne. Pour te réconforter, j’imaginais toutes sortes d’aboutissements favorables, des rêves auxquels s’accrocher, des bonbons imaginaires pour adoucir la sévérité de notre existence d’alors. Tu me laissais faire en continuant d’éplucher tes centaines de kiwis pour le service du week-end.
Placide et vaillant, tu brassais, chaque matin, des litres et des litres de mélange à crêpes pour le lendemain. Tu as toujours été plus patient que la patience et envers moi, malgré ton jeune âge, plus dévoué que la dévotion elle-même. Tu apprenais en travaillant. La plupart du temps silencieux, tu vérifiais chaque geste, inspectais chaque plat, t’informant presque quotidiennement si nous avions assez d’argent pour payer nos factures.
Je me souviens, dans nos premiers restos, à quel point tu insistais pour faire toi-même les tâches dangereuses comme nettoyer les conduits de ventilation, brocher les pancartes hautes sur les murs, laver les grandes plaques chauffantes ou couper toi-même le jambon avec le « trancheur automatique mangeur de doigts ».
Tu disais qu’il fallait éviter à nos employés les accidents de travail et toujours les encourager en les aidant à l’occasion, à sortir les ordures, à balayer les planchers ou à laver la cuisine.
Promu au comptoir à fruits au troisième resto, tu as rédigé pour les jeunes fruitiers dont tu étais responsable un premier fascicule : « comment nettoyer, laver à grande eau, couper les fruits et les disposer joliment dans les assiettes au menu ».
Tu as continué, en gravissant les étapes, à documenter les procédures d’opérations et de bonne gestion d’un établissement. Et lorsque nous sommes devenus franchiseur, tu étais prêt à relever le défi.
Très cher fils, tu n’as jamais cessé de collaborer à l’avancement du concept Cora.
J’étais peut-être la source de l’entreprise, mais toi tu étais l’artisan créateur de tout notre système d’exploitation. J’ai tellement compté sur toi, cher fils, sept jours sur sept, le jour comme le soir au besoin. Et malgré cela, chaque septembre je t’incitais à aller parfaire tes connaissances aux Hautes Études Commerciales.
-J’irai plus tard, Mother, que tu me répondais chaque fois.
-Maintenant, je suis beaucoup trop occupé à construire l’entreprise.
Et j’ai finalement compris que l’entreprise ne pouvait pas se passer de toi. J’ai compris que moi, je ne pouvais pas me passer de ton jugement à toute épreuve, de ta solidité, de ta confiance dans notre concept et de ta capacité incroyable à dédramatiser les grosses difficultés. Sache, cher fils, que tu es devenu par toi-même le grand patron, l’autorité après le SOLEIL.
Sache aujourd’hui que c’est pour la forme que je t’ai nommé président en 2007, pour officialiser ce qui se produisait déjà entre nous, au quotidien.
C’est l’entreprise qui a été ton université; sans jour férié, sans congé de maladie, sans week-end de bombance ni vacances estivales.
Préservé de l’arrogance qu’auraient pu t’apporter trop de diplômes et préservé de la terrible technocratie de certains courants de « management », tu es demeuré un humble et dévoué serviteur de l’entreprise. Aucune de tes précieuses qualités n’égalera ton immense générosité envers ta famille, envers tous les franchisés du réseau et envers tous les collaborateurs et les employés du système Cora.
Te céder ma chaise, cher fils, demeurera le geste le plus significatif que j’aie pu faire pour l’avenir de notre entreprise. Avec mon cœur, ma plume et toute ma dévotion, je veux maintenant être pour toi une fidèle servante comme tu l’as été pour moi toutes ces années passées.
Très cher Nicholas, les semences dans nos têtes sont devenues des vergers et tu voles maintenant d’un océan à l’autre pour visiter tes établissements et la qualité des récoltes. Je n’ai donc plus rien à t’enseigner que tu ne découvriras par toi-même dans le sillage de tes expérimentations.
Ta maman qui t’aime infiniment.
Cora
❤️
Pst : Si quelqu’un te traite d’amateur, rappelle-toi que ce sont des amateurs qui ont bâti l’Arche de Noé et des professionnels qui ont construit le Titanic. (Anonyme)