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19 mai 2023

Lettre à moi-même

Je veux écrire cette lettre à moi-même depuis toujours et je procrastine; je la remets systématiquement à un lendemain qui n’arrive jamais. Quoi me dire et quoi m’apprendre que je ne sache déjà?

« Tellement de choses », dirait la copine qui m’a jadis conseillé cet exercice. Aurais-je si peur d’entrer dans ma tête? Ou, pire encore, dans mon cœur à moitié vide? Qui suis-je, à vrai dire? « Puissante », dirait la copine, professeure de yoga. « Puissante et vaillante. »

Certes, j’ai jadis été la meilleure dans mon domaine d’affaires. J’ai créé quelque chose de nouveau, un concept de restauration révolutionnaire pour l’époque. J’ai appris à gagner de l’argent. Je me suis entourée de personnes compétentes et importantes. Je n’ai pas eu peur de m’imposer dans un monde dominé par les hommes et je n’ai jamais hésité à donner mon opinion concernant les choses que je connaissais.

Pourquoi m’écrire? Je n’ai ni la gloriole ni le compliment facile. Mais peut-être aurais-je peur; affolée d’amerrir sur un océan tumultueux? Je préfère écrire aux autres, à tous ceux qui sont assez gentils pour me lire. Je leur écris pour expulser les averses de mots qui s’agitent dans ma tête.

« Longue est la liste, chère Cora, des autobrimades qui altèrent l’estime de soi. Essaie d’écrire cette lettre comme si elle s’adressait à une autre que toi », me suggère la copine. Imagine que tu envoies une lettre de réconfort et de conseils à une meilleure amie qui s’appellerait Corina. Essaie de convaincre Corina qu’elle doit adoucir le regard qu’elle porte sur elle-même. »
— D’accord, je l’écris, cette lettre.

Très chère Corina,

Je te connais depuis toujours et tu es ma meilleure amie; géniale et talentueuse. Je me souviens de ta jeunesse. Tu étais audacieuse et créative, toujours la première à trouver des solutions à nos problèmes de jeunes femmes.

J’ai eu l’occasion de fréquenter ta famille assez souvent pour savoir que l’amour entre tes parents était plutôt rare. J’ai toujours su que tu en as cruellement manqué et que ton cœur a dû s’endurcir à la longue. La mésaventure du mariage obligé t’a pourtant donné trois merveilleux enfants et ton cœur a gouté à l’amour inconditionnel. Je l’avoue, tu as travaillé très fort pour réussir comme mère célibataire, mais tu as amplement gagné tes épaulettes. Ne l’oublie jamais.

Toutes ces 13 années de mariage obligé avec un homme méchant ont abimé ton pauvre cœur et tu as peut-être conclu qu’il était défectueux; qu’aucune personne ne pourrait y entrer.

Très chère Corina, je te connais depuis toujours et j’en sais la cause. Tu as cruellement manqué d’amour, mais sache que ton cœur fonctionne très bien. Il s’est d’ailleurs remplumé durant la pandémie. L’univers ne t’a pas oubliée. Il t’a fait un cadeau immense en t’offrant l’écriture dont la jeune fille en toi avait toujours rêvé. L’écriture te permet aujourd’hui de rejoindre des milliers de lecteurs qui t’aiment énormément, j’en suis certaine.

Rien ne te manque, chère Corina, pour être une magnifique personne. Compte tes bénédictions. Tu as l’amabilité, la générosité, la fantaisie, l’amour bienveillant envers les autres et le talent des mots.

Tu es la personne que j’aime le plus au monde. Sache-le, chère Corina. Nous sommes les meilleures amies du monde, des complices et les sœurs de toutes les femmes de la planète. Brunes, noires, vieilles, jeunes, pâlottes ou bronzées, qu’importe notre nom de baptême, nos cœurs se ressemblent tous. Ils souffrent, ils palpitent, ils pleurent et explosent de joie lorsqu’ils se reconnaissent dans une glace. Oui, oui! Mon cœur fait boum boum en me regardant dans la vitre du café. C’est moi, Cora, qui viens tout juste de reconnaître qui je suis. La copine, professeure de yoga, avait bien raison.

Essayez un brin. Écrivez-vous une lettre, chères lectrices. À vous-même ou à un nom d’emprunt. Pleurez entre les lignes, videz votre trop-plein de chagrin dans la marge; déroulez le parchemin blessant et ouvrez la plaie, s’il le faut. Il s’agit ici de guérir notre cœur.

Cora
👵

P.-S. Je vous aime tellement, chacune d’entre vous, chères lectrices. Si certaines d’entre vous voulaient être lues par un cœur aimant, je vous invite à me poster votre lettre et je la lirai, je vous le jure. Utilisez un nom d’emprunt si, comme moi, cela vous aide, et envoyez votre lettre à mon attention à l’adresse du siège social de l’entreprise.

Lettre à Madame Cora
16, rue Sicard, local 50
Sainte-Thérèse (QC)
J7E 3W7

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