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30 octobre 2020

Pour Stéphane Martel de Jonquière, l’histoire du déjeuner « Seventh of July »

Vous ai-je déjà parlé de l’épouvantable chaleur qu’il faisait en été dans notre tout premier petit resto et du vieux proprio grec qui n’a jamais voulu que nous installions à nos frais un climatiseur de fenêtre? Eh bien, mon cher Stéphane, votre déjeuner favori remonte à ces premiers dimanches d’enfer de juillet 1987. Comme il était d’usage à l’époque de fermer les casse-croûtes le dimanche, notre resto souffrait non seulement de chaleur excessive, mais aussi d’une tragique absence de clientèle. Nous avions tellement besoin d’argent dans la caisse que j’aurais ouvert le resto huit jours par semaine si cela avait été possible.

Bref, j’avais le temps de frotter toutes les tablettes de rangement entre les commandes qui arrivaient en cuisine plus lentes que de véritables tortues. Et les jeunes serveuses en salle se tordaient les doigts en astiquant les pieds de tables et de chaises tout en maugréant contre la patronne qui devrait trouver une solution au lieu de laver ses tablettes déjà propres.

Et ma grande fille d’insister pour qu’on trouve une façon de tremper le nez du chat dans notre bol de lait.

Finalement, à force de se chamailler entre elles, c’est la belle Fatima qui suggéra d’utiliser la moitié du tableau sur lequel nous affichions en semaine le spécial du midi, pour y annoncer un nouveau plat à être servi à bon prix en exclusivité le dimanche.

— Nous les serveuses en parlerions toute la semaine pour aguicher les gourmands et les inciter à revenir le dimanche avec leur famille, conclut ma fille avec autorité.

Toutes enthousiasmées, nous devions maintenant trouver un déjeuner hors de l’ordinaire pour attiser nos clients réguliers. Et les trois midinettes de se tourner vers moi pour que sorte de ma bouche l’idée qui sauvera nos dimanches. Il faut croire qu’incessamment questionné, le génie créatif tarde à répondre. Et voilà que je tourne et retourne dans ma tête chaque plat du menu susceptible d’être transformé.

— Il faut inventer quelque chose d’encore plus génial que tout ce qui est déjà dessiné sur les murs! s’exclama ma fille.

— Si on mettait des crêpes et du pain doré dans la même assiette, proposa notre Évelyne.

— Ouais, mais il me semble que ça manque de punch, répliqua Fatima.

— Pas si on y ajoute une belle montagne de fruits frais joliment coupés et qu’on saupoudre le tout de neige (notre façon d’appeler le sucre en poudre), proposa Gigi.

Il m’a suffi d’ajouter qu’on pourrait aussi offrir en extra du coulis de framboises pour que la folie s’empare du casse-croûte.

Et voilà que les trois gazelles se cassent l’occiput à la recherche d’un nom digne du nouveau déjeuner.

Comme nous ne te connaissions pas encore, cher Stéphane, Fatima proposa le « Seventh of July »

— Pourquoi pas le « Sept de juillet » demanda Évelyne, la francophone.

— Parce que notre clientèle est à moitié anglophone et parce que ça ne se dit pas aussi bien en français, rétorqua ma grande fille.

Que dire d’autre?

Le succès du « Seventh of July » servi le dimanche suivant fut à ce point fulgurant qu’à l’unanimité nous décidâmes de placarder son illustration au mur et de le servir sept jours sur sept indéfiniment.

Et tranquillement, nos clients travailleurs de semaine s’habituèrent à revenir au resto le dimanche avec leur femme et leurs enfants. Puis ce furent les amis des clients avec leur famille, les amis des amis, et ainsi de suite, ce qui nous obligea à transformer nos premiers petits restos en de véritables restaurants avec un menu pour chaque client, de délicieux cocktails de fruits, des cafés spécialisés et une nourriture toujours hors du commun.

Sachez, cher Stéphane, que votre « Seventh of July » est encore aujourd’hui un des meilleurs vendeurs de sa catégorie. Et je vous remercie gros comme le ciel pour votre contribution à sa grande popularité. Merci aussi de vous intéresser à mes petites lettres hebdomadaires. Sachez que je m’ennuie énormément du bienheureux temps de mes débuts où je pouvais fraterniser avec chaque client, tantôt pour apprendre une nouvelle recette, tantôt pour recevoir une idée géniale ou, tout simplement, un gros merci enveloppé d’affectueuse tendresse.

     ❤️

   Cora

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