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6 juillet 2025

La maison qui ne se demande jamais qui l'habite

Tard un soir, je soulevais mes bras, palpais mes jambes; je tournais ma tête d’un côté, puis de l’autre comme si je conduisais un étrange transporteur. Ce corps vaillant dans lequel j’habite me transporte où je souhaite aller, un véritable véhicule vivant, composé d’une solide ossature, capable d’accommoder et de nourrir.

Je ne me suis jamais vraiment soucié du corps humain. Certes, je le côtoie chaque jour, je le vois faiblir et perdre son agilité lentement mais sûrement. Telle une pelisse portée mille ans, son revêtement se fendille, se craquelle, s’abîme et accumule les taches. Je n’ai pas aidé la cause en ignorant totalement les crèmes magiques qui auraient pu ralentir la dégénérescence de ma peau.

Née entre terre et mer, dans une large baie, je me suis toujours perçue forte comme le roc des falaises gaspésiennes et vive comme l’eau des grandes marées. Beaucoup trop occupés à essayer de s’entendre et à trouver un compromis au bonheur qui leur manquait, mes parents sont passés un peu à côté de l’éducation de leurs marmots. Nos corps ont grandi en toute liberté; un peu comme les quenouilles sauvages des bords de routes.

Vitement obligés de gagner notre croûte, nous avons longtemps négligé de prendre le temps de nous connaître. Nous avons peu appris sur nous-mêmes jusqu’à ce que chacun, avec courage et détermination, découvre ses forces, ses faiblesses, ses talents et ses appréhensions. Nous avons pris de l’âge et me voici aujourd’hui en train de gruger ma soixante-dix-huitième année sur terre. Ce corps abîmé, fatigué et usé, me sert encore fidèlement. Comment pourrais-je le nommer? Persona, individu, anatomie, matière, corpus, substance, ou peut-être organisme? Quelle étrange chose que ce corps qui persiste à durer! Je suppose qu’il agit comme la maison qui ne se demande jamais qui l’habite; elle les héberge et les abrite, tout simplement.

J’apprécie tout ce que ce corps a été et, heureusement, tout ce qu’il s’entête toujours à faire pour moi depuis toutes ces années. Il ne gémit pas, même s’il émet des sons; il ne me maudit et ne me contredit jamais. Cette ultime merveille du monde mérite tous mes éloges et, un jour, quelqu’un devra déposer à ses pieds les plus belles tulipes de Hollande en mon nom.

Ce corps va-t-il rendre l’âme lui aussi et mourir un jour? Comment pourrai-je continuer sans lui? Lui qui gesticule, parle, s’agite et dit tout ce que j’ai envie de dire. Lui qui se heurte à l’adversité, prend soin de ma centrale de création et donne vie à plusieurs de mes désirs. Lorsqu’il est contrarié, agacé, fatigué ou mécontent, ce corps hausse le ton. Quelquefois, il me semble que ses pulsations cardiaques inventent des cavalcades inécoutables juste pour nous divertir. Jusqu’à ce qu’il expulse son dernier souffle, c’est ce vénérable corps qui me gardera vivante.

Que m’arrivera-t-il par la suite? Sans ce corps, que verrai-je dans le miroir? Qui serai-je dans le monde? Un fugace souvenir, une centrale nucléaire désactivée? Sans ces yeux, j’oublierai vite la beauté. Sans le pouvoir olfactif de ce nez, je délaisserai le parfum des fleurs et, sans cette motricité globale, je deviendrai une morte-vivante cherchant le repos éternel.

J’anticipe pourtant une imperceptible réconciliation de tout ce que je suis avant de ne plus être. Ce souffle de vie m’animera et se manifestera au centre d’un univers que j’aurai moi-même créé. Du moins, c’est ce que supposent les sages. Ma pensée, ma conscience, mon discernement et tout l’amour que mon cœur contient ne mourront point. Ce souffle, cette bienheureuse présence immatérielle dans un monde matériel, sera immortel. Et lorsqu’arrivera l’heure où le corps se décomposera, la maison de chair se transformera en millions d’étoiles filantes.

Quand mes doigts grimpent l’un sur l’autre sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les empêcher de fuir, je reste tranquille et j’attends. Je savoure ce moment d’attente.

Je patiente avant que mes phalanges ne se disloquent, que mes paumes échappent leur contenu et que je ne puisse plus me dresser contre l’inévitable.

J’attends l’ultime spectacle où le corps s’effondrera et se renouvellera en millions de granules d’espoir et où le cœur arrivera enfin à la porte du paradis.

Mais le souffle demeure. Il cherche une autre maison pour loger la matérialité de son air; un genre d’état d’esprit paradisiaque que tout humain décédé pourra connaître.

Cora
♥️

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