Ouffff! La plupart d'entre nous entreprenons notre troisième semaine de confinement. Je suis isolée, prudente et beaucoup à l’écoute de l’affreuse propagation du Coronavirus. Jamais je n’aurais cru qu’un tel drame puisse être vrai. Pourtant, le film se joue dans nos rues vides, dans nos écoles muettes, dans nos commerces fermés et même dans nos maisons transformées en bunkers de protection contre un ennemi pratiquement insaisissable.
Quoi faire alors pour ne pas désespérer? Pour s’occuper et pour continuer de croire que «Ça va bien aller»? Dessiner des arcs-en-ciel, faire de nouveaux biscuits pour les enfants, pratiquer une sauce plus goûteuse pour vos côtelettes, étudier comment faire des confitures ou réapprendre à faire son propre pain. Et peut-être pourrais-je vous raconter, ici et là, ce qu’une p’tite vieille occupée comme moi fait lorsqu’elle n’a plus rien d’important à faire?
Cet après-midi par exemple. Au retour de ma marche en pleine nature, j’ai fait cuire à feu doux une toute nouvelle confiture de papaye. Des papayes que j’ai bien lavées à grande eau avec une brosse de cuisine. Je les ai pelées et nettoyées de leurs pépins, puis je les ai coupées en petits dés. La chair des papayes recouverte des trois quarts de son poids en sucre a passé la nuit au frigo.
Tout heureuse d’expérimenter une nouvelle recette et surtout curieuse de voir le résultat, je me suis installée sur un tabouret devant le poêle pour surveiller la cuisson. Malgré le feu doux, j’ai dû écumer plusieurs fois les gros bouillons laiteux émergeant à la surface, puis brasser tranquillement avec une cuillère de bois et attendre que les petits morceaux de chair brûlante deviennent translucides, gonflent le torse et s’épaississent en parfaite harmonie avec le sirop, ni trop liquide ni trop collant.
Plus intelligents que mes yeux, ce sont mes doigts qui savent quand éteindre le feu. Juste à toucher quelques gouttes de sirop jetées dans une soucoupe, mes doigts savent que la confiture sera bonne.
J’ai longtemps été préoccupée par l’évolution du monde; par ces 3,8 milliards d’années pendant lesquelles la terre n’a jamais arrêté de tourner. Je me souviens, dans ma jeunesse, un vieil oncle m’avait donné une encyclopédie sur la vie des premiers habitants de notre planète Terre. Je m’intéressais à ces hommes, à la forme de leurs crânes évoluant à travers les âges, à l’ingénieuse façon qu’ils avaient de vivre et surtout de survivre.
L’être humain courageux traversa les guerres, les épidémies de toutes sortes et les affreuses famines capables de décimer en un rien de temps des milliers d’êtres humains. Mes études classiques m’ont vite instruite des tournants inappropriés de l’histoire : guerres de religion, offensives territoriales, décapitation des sorcières, appétits hors du commun des dictateurs affamés, et j’en passe. Au mitan de mon âge, j’ai pris conscience de la fonte des glaces, des ouragans dévastateurs, des batailles raciales, des nouveaux affrontements religieux et des migrations illégales et mortifères.
Puis, récemment, une certaine révolte de la nature attisa ma peur. Peur que les chaleurs intolérables, un soleil brûlant et les continuels feux de forêt transforment notre planète en une immense urne funéraire. Si je n’avais pas l’optimisme de mon côté, je tremblerais de peur. D’autant plus qu’à travers l’immense brouhaha d’inquiétudes que nous expérimentons déjà, voilà que nous arrive une nouvelle menace déguisée en sauveur de la nation.
Oui, oui! Pendant que tout gaiement j’écris de jolies missives à mes voisins, cette nouvelle et immatérielle découverte chamboule mon entendement. Et j’ai peur, peur que cette menace m’oblige à discutailler avec un pharmacien-robot au sujet des taches brunes qui envahissent mes mains et grimpent sur mes bras.
Bien sûr qu’ici et là, je gagne en bravoure et j’ose me tenir au courant des avancées de cette intelligence artificielle. Une chose est certaine, pour mes déplacements j’aurai toujours les deux mains sur le volant et mon pied droit à une fraction de seconde de la pédale de frein.
La terre tourne tellement vite que nous n’avons jamais le temps d’immobiliser nos yeux pour vraiment regarder ce qui se passe. Le capitalisme, le consumérisme et le « je m’en foutisme » manifestent ensemble pour une meilleure vie et l’homme, ce singe intelligent, réussit toujours à imprimer assez d’argent pour sauver les apparences et enrubanner les friandises du jour.
Mon optimisme a tout à voir avec l’immatérialité des choses. Il n’empêche pas la lucidité, le réchauffement de la planète ou une potentielle extinction de l’humanité. Je crois fermement qu’il y a dans la nature une force créatrice suffisamment puissante pour surpasser tous les obstacles et c’est à cette force que je me rallie pour espérer envers et contre tous.
Il existe une légende amérindienne dans laquelle un vieil indien cherokee dit à son petit-fils : « Mon petit, une bataille entre deux loups se passe à l’intérieur de chaque être humain. Un des deux loups représente le mal, la colère, l’envie, la jalousie, l’avidité, l’arrogance, le mensonge et la supériorité de l’ego. L’autre loup représente le bien, la joie, la paix, l’amour, l’espoir, la sérénité, l’humilité, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité et la compassion ». Le petit-fils ayant réfléchi un brin demande à son grand-père lequel des deux loups va gagner. Et le vieil homme de répondre simplement : « Le gagnant sera le loup que tu nourriras le mieux ».
C’est à cela que je crois. Ce qui compte c’est de nourrir les forces positives qu’il y a à l’intérieur de nous et d’affamer les forces négatives. Mon optimisme nourrit le bon loup, et j’entretiens dans mon cœur, du moins j’essaie, la joie, la paix, l’espoir et la bienveillance.
Toujours, toujours, j’aspire à être dans la barque de la pêche miraculeuse avec un filet rempli d’espoir. J’ai ce constant besoin de m’améliorer, de pratiquer la gentillesse, la bonté et l’amour du prochain. C’est ainsi que je nourris mon bon loup, le plus souvent possible.
Fouillant dans quelques livres savants, j’ai découvert que tous les êtres humains sont dotés du génome « optimisme ». Les généticiens à ce que j’apprends ont prouvé que c’était inscrit dans notre ADN. Il paraîtrait même que nous ne sommes pas tous égaux en matière d’optimisme, mais que nous pouvons tous nous améliorer.
Il semblerait aussi que l’optimisme est le dénominateur commun des personnalités charismatiques, des visionnaires, des créateurs, et des initiateurs de changement. Les optimistes sont des battants, des combattants qui voient le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. D’ailleurs, selon le célèbre motivateur et conférencier Michel Poulaert : « Si tous les inventeurs s’étaient arrêtés à leur premier échec, nous vivoterions encore à l’âge de pierre ».
Cora
❤
P.-S. ̶ Pour aller plus loin, peut-être pourriez-vous lire son récent livre : POUR RÉUSSIR, OSEZ ÉCHOUER.
Ces jours-ci, quelques souvenirs déstabilisants me reviennent en mémoire. Peut-être est-ce à cause des froidures de l’automne? Du chant des oiseaux que je n’entends plus? Une phrase surgit et ma tête pleurniche. Serait-ce cet insatiable besoin d’amour qui me tourmente? Seul dans un désert inimaginable, mon vieux cœur essaie de survivre. Il s’invente des châteaux de cartes que le vent s’amuse à démolir. Vaille que vaille, par grand froid je sème des pépins et j’espère un verger. Un clin d’œil rosi, un tendre sourire, une nanoseconde de tendresse.
Toute petite, je ne savais rien de ce qu’il fallait savoir. Mon papa n’était pas l’illustre Serge Bouchard (anthropologue québécois) prenant le temps d’écrire un livre à sa fille. Pourtant, il avait un cœur plus gros que l’Everest dont tout l’amour servait à amadouer le cœur cadenassé de maman.
Je me souviens d’une certaine après-midi d’été avec en main un joli calepin d’écriture. Je venais d’avoir douze ans, j’étais assise dans un champ tapissé de verdure sauvage et j’entendais le bourdonnement des abeilles visitant chaque fleur. Sur mes bras découverts, la douce caresse du vent traçait des mots et ma tête s’emplissait de lignes à recopier dans mon calepin. La nature à cette époque était ma mère, ma sœur et l’amie la plus fidèle au monde.
J’ignorais ce qu’était l’amour, la joie, la fête et tout ce qui réjouirait mon petit cœur. Tant bien que mal, je cherchais de jolis mots dont la réelle signification m’échappait; des mots appris dans le dictionnaire, dans le journal de l’époque ou dans les rares livres à ma disposition.
En cachette, quelques fois, j’osais décrire les pleurs de maman : tête penchée bêchant son immense jardin, ses larmes arrosant les sillons; certains matins déversant son trop-plein sur l’épaule de la voisine; et sur la table de cuisine en pleine nuit, cousant nos habits en pleurnichant. Elle avait des mains rougies d’eczéma, une peine d’amour incurable et un courage à toute épreuve. Je l’aimais tellement et je la haïssais souvent parce qu’elle ne m’apprenait jamais rien.
C’est ainsi qu’un jour, assise dans ce champ, portant ma jolie robe jaune, je me suis étendue, assoupie, et peut-être même endormie. À mon réveil, j’ai constaté que ma robe était tachetée de rose. Sans m’en apercevoir, pensais-je, je m’étais certainement roulée dans une talle de fraises sauvages.
Vite, vite, je me suis levée et j’ai ramassé calepin et crayon. Mes yeux presque sortis de leurs orbites cherchaient des fraises et n’en trouvaient aucune. D’où venaient donc ces taches rouge-rose salissant ma belle robe du dimanche? En route vers la maison, je me suis aperçu que de minuscules lignes rouges coulaient sur mes cuisses. J’avais peur, très peur de le dire à ma mère; à cause de ma belle robe souillée et à cause du sang qui n’arrêtait pas de couler.
Que dire à maman? Quelle sorte de maladie était-ce? On ne m’en avait jamais parlé. J’ai caché ma robe jaune tachetée et ma culotte sous le matelas de mon lit. J’étais la plus vieille des trois fillettes et, après vérification, j’étais la seule dont le sang coulait.
Maman frappait de plus en plus fort sur la porte de la salle de bain et je ne voulais pas lui ouvrir. Mes cuisses ruisselaient de sang, la peur s’emparait de moi et je pleurais. Ce fut finalement la voisine qui arriva et ouvrit la porte avec un clou. Lorsque ma mère comprit ce qu’il m’arrivait, qu’elle saisit la provenance de tout ce sang qu’elle voyait, elle se mit à brailler. J’étais trop jeune, me dit-elle, trop petite et encore ignorante des choses de la vie. La voisine prit donc les choses en main, m’installa dans le bain et me lava à l’eau tiède. En me savonnant, elle m’expliqua ce qui allait désormais m’arriver chaque mois et comment je devrai être vigilante et prudente pour ne plus tacher mes vêtements.
Toujours, toujours, lorsqu’un trop plein de solitude assombrit mon paysage, une bonne fée m’envoie une souvenance. Un moment nécessaire de jadis qui m’a appris à grandir. J’avais complètement oublié mes premières règles et, ce matin, la porte à deux battants de l’oubli s’est tout grand ouverte.
L’écriture est une baguette magique que tout le monde devrait s’offrir. L’encre fidèle entrepose notre passé, enregistre notre présent et s’amuse à prédire notre futur.
Cora
❤
Je suis amoureuse d’un chat et je ferais n’importe quoi pour qu’il soit à moi! Nous nous sommes rencontrés chez une amie qui voulait me parler d’un audacieux projet, mais mes yeux ne regardaient que cet immense chat blanc. Juste à le sentir frôler mes chevilles, un tsunami d’amour envahissait l’intérieur de ma poitrine. Mon cœur battait la chamade et mon esprit s’entremêlait de non et de oui; je veux ce merveilleux chat!
Tilou, ce magnifique chat blanc au front tacheté de noir, me fixait sans cesse et, sous mes pieds, le plancher tremblait. Comme par exprès, l’animal se collait sur moi et ses yeux entraient dans les miens. « Vite, vite, vite! », se disait ma tête. Où se cache la porte de mon cœur?
Monique avait la larme à l’œil. Elle souhaitait que l’on discute de son projet et moi je reluquais son chat. Un mâle mature, dégriffé et doux comme un agneau.
— Il a douze ans, marmonne Monique.
— Est-ce vieux pour un chat?
— C’est un chat de ruelle, il peut vivre jusqu’à 20 ans.
Huit longues années de bonheur, pensa mon cœur. Je n’ai jamais eu d’animal de compagnie. Lorsque mes petits en voulaient, je leur suggérais d’attraper une souris! « Affreuse maman! », disait le plus vieux.
Ce sont les chats qui attrapent les souris. Je me souviens d’un déménagement en banlieue avec des chats errants qui emplissaient notre paillasson de souris. Un jour d’automne, nous avons adopté le chien d’un voisin qui retournait en ville et les enfants ont sauté de joie. Ils le caressaient, le peignaient, le nourrissaient et Bobby dormait au pied du lit du plus vieux. Puis leur spéculateur de père vendit la maison à une famille de quatre enfants qui pleuraient pour garder le chien. Comme nous retournions dans le ghetto grec de la grande ville de Montréal (Outremont, à cette époque), ils gardèrent Bobby et ce sont mes enfants qui pleurèrent en retournant en ville.
Arrivés à destination, nous vivions dans un troisième étage avec un petit balcon et sa vue sur les fonds de cours. Le plus vieux avait pris l’habitude de lancer des miettes et des rognures de fruits aux écureuils, se faisant un devoir de bien les nourrir.
Je me souviens comme si c’était hier d’un samedi après-midi où je devais préparer un baklava pour la fête de la belle-mère et voilà que, sans réfléchir, mon intrépide jeune fils s’empare du mélange d’amandes et de noix de Grenoble pour nourrir ses gentils écureuils. Le temps d’un éclair, cinq ou six comparses à longues queues touffues faisaient la fête sur le balcon et moi je pleurais.
Nous changions souvent de logis. Trop de blattes nocturnes à chasser, trop d’enfants bruyants, trop de marches à monter avec carrosse et bébé. J’avais souvent l’impression d’escalader l’Everest trois à quatre fois par jour. L’eau coula sous les ponts jusqu’à ce que se fracasse pour de bon le fragile entendement entre les époux. L’homme retourna dans son pays et les enfants allèrent temporairement chez mes parents. Un splendide Husky sibérien les attendait. Ce fut pour moi une immense joie de voir mes petits heureux comme des rois. Ma mère les inscrivit à l’école du village et je revins à Montréal pour me trouver un travail.
Aucun d’eux ne possède aujourd’hui un animal de compagnie. Moi-même, avant ce gros chat, je n’ai jamais songé à me procurer un chien ou un chat. Je n’ai probablement jamais compris pourquoi les gens s’attachent autant. Pourtant, j’entends très souvent les vieillottes de mon âge parler des bienfaits des animaux de compagnie. Oui, oui! Ils m'inciteraient à prendre l’air plus souvent, marcher, admirer le paysage et remplir mes poumons de bon air. À ce que mes amies me disent, la relation entre un animal et son maître est très précieuse. L’animal nous offre un amour inconditionnel. La voisine Margot m’a même dit qu’avoir un chien de compagnie lui a grandement permis de tisser des liens avec de nouvelles personnes. Margot se promène chaque soir sur la rue principale de notre patelin et son chien parle à tout le monde.
Cora
❤
Les leaders se fabriquent eux-mêmes à partir de la meilleure raison au monde : vouloir créer quelque chose qui a le potentiel de devenir beaucoup plus grand qu’eux. J’ignorais ces choses en ouvrant le premier petit resto. Comment l’aurais-je su? Moi qui n’avais appris, pendant trop longtemps, que des matières immatérielles telles que l’histoire du monde, les langues anciennes, la littérature et la philosophie. Lorsque je me suis retrouvée divorcée, fauchée et pauvre comme Job, je souhaitais juste gagner ma croûte et nourrir mes trois enfants.
Mes débuts en affaires sont beaucoup moins prestigieux que ce que vous pourriez imaginer. Peut-être suis-je tombée par hasard dans la « potion magique »! En vérité : je n’ai pas choisi la restauration, c’est elle qui s’est imposée à moi et c’est pourtant ainsi que j’allais rapidement exceller. Ayant vendu in extremis la maison familiale que la banque avait dans sa mire, j’ai ouvert le premier Cora sans idée préconçue, ni passion particulière pour la nourriture, ni rêve de grandeur ou de réussite éclatante. J’allais juste cuisiner, servir des clients, nettoyer le bouiboui et apporter à l’appartement les restes de nourriture pour le souper des enfants.
Mais me voilà pourtant comme un « dumpling », la tête émergeant du bouillon. Soudainement happée par un second niveau de signification, je me suis mise à donner de l’importance aux gestes, aux choses et aux créations alimentaires nouvellement installées dans ma tête de patronne. Chaque jour, je me surprenais à vouloir embellir, mieux faire, ajouter de la couleur et une saveur inoubliable à chaque déjeuner. Sans m’en rendre compte, les rondelles de bananes, les fraises et les framboises se sont mises à danser sur les tranches de pain doré. Les bleuets frais sautant sur les triangles de melon avec les gros raisins rouges, les flèches de pommes, et les sourires de pêches juteuses.
Quelque deux mois plus tard, j’ai composé mes premières feuilles d’horaire du personnel, feuilles d’inventaire des denrées, un rapport quotidien de fermeture de caisse avec le nombre de clients et la somme d’argent, ainsi qu’un modèle de résultats mensuels afin que je puisse suivre notre progression. D’où m’est venue cette soudaine expertise? Je me le demande encore. Dans ce premier resto Cora, jour après jour, j’ai créé tout ce que nous appellerions plus tard « le concept CORA ». Épurant la tradition d’alors, j’ai amélioré chaque recette et chaque choix d’aliment. Je me suis souvenu du mélange à crêpes de ma mère et j’ai fait mon propre sirop à la vanille. Puis, me rappelant le blanc-manger du collège, j’ai concocté une crème pâtissière hors du commun.
Mon assurance en cuisine grandissait aussi vite que les files d’attente quotidiennes s’allongeaient. Je m’en souviens tellement. Ignorant encore la portée de mes gestes, j’organisais dans ma tête le travail à faire et le monde autour de moi pour m’aider. Sans le savoir, je nous préparais à croire à une réalité encore invisible à l’œil nu. Voilà humblement le début de ma carrière en restauration. Certes, je n’avais pas choisi cette vocation, mais le temps a enflammé ma passion. Au lieu de m’apitoyer sur mes misères, je me suis attelée à la tâche; tirant nos vies vers des jours meilleurs. Parce que je n’avais pas le choix, je me suis engagée à réussir. J’ai multiplié les efforts que d’autres n’ont pas fournis et j’ai obtenu une abondance de résultats que les moins convaincus n’ont pas connus.
J’ai commencé très tôt à persuader mes enfants et les premiers employés que nous allions bien au-delà que de servir des clients. Nous construisions quelque chose, une idée, une façon de faire différente de ce qui existait à l’époque. Bien sûr, je manquais de mots et de connaissances pour articuler correctement l’œuvre à laquelle nous participions et dont nous devenions les humbles serviteurs.
Je ne sais pas où j’ai trouvé le courage nécessaire pour entretenir cette chimère jusqu’à ce qu’elle puisse émerger du néant. Je réalise aujourd’hui que, dans ce premier restaurant de 29 places assises, j’ai accouché d’un concept extraordinaire. Comme une vraie mère, j’ai veillé moi-même mon bébé jour et nuit. En cuisinant, en inventant et en rêvant, je n’ai pensé qu’à lui, à son bien-être et à sa pérennité. J’ai assumé toutes les responsabilités liées à sa croissance et j’ai aidé les gens autour de lui à mieux le servir. Tout cela je l’ai accompli en prenant soin de nous garder, mes enfants, mon équipe et moi, à l’abri du chaos pessimiste des incrédules.
La naissance du concept CORA a fait de moi un chef; un leader qui, telle une maman attentive, s’est mis à acquérir sur le tas et dans l’épreuve chacune des forces qui lui serviraient à accompagner l’enfant jusqu’à maturité. J’ai voulu enseigner par l’exemple et ne jamais exiger de quelqu’un ce que je n’étais pas prête à faire moi-même. J’ai été disciplinée et sévère, écartant de moi tout ce qui menaçait la réalisation de mes objectifs. Ça n’a pas toujours été facile de croire au potentiel de mes idées; pas facile du tout de croire à un concept bâti sur une montagne de coquilles d’œufs.
Le malheur lorsqu’on est le CHEF d’une entreprise, c'est qu’il n’existe pas d’autorité supérieure susceptible de nous accorder un petit bravo, un « très bien » entre deux réunions. Voilà sans doute pourquoi j’avais accroché dans mon premier resto la photo de mon papa, décédé avant même que je démarre en affaires. J’avais tellement besoin de ces petits mots d’encouragement à mes débuts et, paradoxalement, on dirait que c’est l’époque où ils se sont avérés les plus rares.
Les sourires des clients m’ont toujours gardée combative et saine d’esprit. De même aujourd’hui, très chers lecteurs, vos multiples commentaires, chaque semaine, m’encouragent à continuer d’écrire. Mille MERCIS à vous tous!
Cora
❤
L’autre soir, ce corps vieilli rêvait à la mort. Il s’enroulait dans les draps, tournait sur lui-même et sa tête avait peur, très peur; elle imaginait le pire.
Tel un animal blessé, ce corps respirait à petites goulées. Tout meurt à la longue, essayait-il de se dire. Trop tôt, trop tard, il n’arrivait pas à prier. Était-ce la nuit qui lui semblait si longue? Était-ce la mort qui frappait si fort? Le cahoteux va-et-vient de son cœur l’apeurait.
Ce corps magané allait vivre jusqu’à cent ans, disait-il jadis à qui voulait l’entendre. Et voilà qu’entre les draps, ce soir-là, la mort rôdait. Tel un condor à cou blanc, un vautour imaginaire surveillait sa proie.
Si je savais écrire comme nagent les dauphins, j’aurais ce matin une véritable histoire à vous présenter. Et pourtant l’heure arrive qu’il faille affranchir mes doigts, sauter la clôture de la logique, délier les entourloupettes du quotidien et plonger tête première dans un océan de strophes nouvelles.
Il y a ce corps vieilli, cette chair ternie
Ces jambes croulantes, ces bras qui me hantent
Ce cou fendillé, ces veines bombées
Ce front flétri, cette peau décatie
Ces yeux fatigués, ces iris délavés
Ces joues aplaties, ces sourires tiédis
Ce ventre malmené, stigmates érodés
Ces mamelles fripées, ces tétines fanées
Ces mains chamarrées, ces veinures bleutées
Ces doigts recourbés, l’un sur l’autre grimpés
Ces orteils cabossés, grands pieds fatigués
Cette taille ventrue, apparence foutue
Ce dos maladroit transporte sa croix
L’âge avance comme un loup et me dévore
Je cours, je cours et je crie « au secours »
Quoiqu’il arrive, je suis à la dérive
Dans la tanière du temps, je n’entends que le vent
Solitude inévitable, toute seule à la table
Do, ré, mi, fa, sol, la, si; je m’engourdis
Je sens la mort mûrir en moi, tel un fruit qui s’agrippe, un soleil qui persiste
Mes sens se taisent, mon cœur s’apaise
Un parfum de framboises s’attarde dans mon cou
Je peine et je pleure, elle arrive mon heure
M’endormir comme Ophélie, eau de rose plein mon lit
Dernières volontés, premières pelletées
Je ne verrai plus le printemps ni l’automne rosi, ni l’hiver endormi
Lentement ma mémoire s’abêtit
J’oublie mon nom, mon âge et la couleur de ce qu’était ma vie
Je suis forte, je suis morte
Il y a ce petit bruit de fourmi qui s’arrête à la fin
Cora
❤
Toute petite à Caplan lorsqu’il fallait se baigner dans la baie des Chaleurs, j’avais tragiquement peur des anguilles. Mes petits pieds s’enfonçant dans le sable rouge, j'étais terrifiée! « Peureuse, me criait frérot, cours et jette-toi dans l’eau! », dans l’eau glaciale de la Gaspésie, même en juillet. Quelquefois, papa nous amenait sur le quai pour pêcher. Quelle horreur! Les anguilles dans la mer et des vers de terre hermaphrodites se trémoussant dans une canisse. Ouache!
Déménagée en banlieue de Québec, je me souviens de l’amie Diane. Chaque matin, nous nous attendions pour partir ensemble vers l’école en traversant un immense champ. Je n’oublierai jamais ce fameux mercredi où Diane fut absente. Ses parents enterraient la grand-mère et je dus traverser toute seule le long sentier menant à l’école. En revenant à la maison, à mi-chemin, voilà que devant moi un serpent s’immobilise et mon cœur arrête de battre. C’est la première fois que j’en vois un vivant, à peu près long comme ma règle de 12 pouces. J’ai figé sur place. J’avais l’impression qu’il me dévisageait, qu’il allait sauter sur moi, s’enrouler sur ma jambe et grimper dans mon cou. Mais au lieu de s’approcher, le reptile, sans bras ni pattes, commence à onduler, à grouiller par petits mouvements oscillatoires lui permettant d’avancer. Il quitte le sentier de terre et s’enfuit dans les hautes herbes. Ouache!
Plus tard, mariée et mère de trois enfants, en voulant passer la balayeuse dans la garde-robe de mes deux garçons, je découvre un gros sac brun qui semble bouger. Prenant mon courage à deux mains, j’imagine un petit chat, un lapin sauvage, une souris captive ou un nid d’oisillons. J’ouvre le sac et mon cœur s’arrête. Quatre, cinq ou six serpents sont entortillés comme une masse vivante et menaçante. J’avais 26 ans et j'avais encore peur des serpents.
Aujourd’hui, 50 ans plus tard, je visite la nouvelle acquisition de la fille d’une bonne amie; une magnifique maison ultramoderne, située dans une banlieue cossue. Caroline, une psychothérapeute réputée, se fait un plaisir de nous montrer sa demeure. Wow! Le vaste salon, la cuisine de rêve, le gym bien équipé, la piscine intérieure et patati et patata. Nous montons à l’étage. Une chambre pour sa mère, une chambre d’invités et l’immense chambre de la maîtresse de maison.
-Wow, Caroline, tout est magnifique!
-Entre dans ma chambre me dit-elle, tu n’as pas vu le plus beau.
Effectivement, je ne vois que le gigantesque tapis en laine rose bonbon et j’imagine le confort pour mes vieux pieds. Caroline insiste pour me conduire vers sa grande fenêtre panoramique. Elle veut me montrer le bouquet de ses trouvailles. Je penche la tête et je vois un grand terrarium vitré dans lequel trois gros serpents s’amusent à grimper l’un sur l’autre. Je risque de tituber.
-Ce sont mes bébés chéris, des pythons royaux, aussi doux que des agneaux! Ils ont presque 4 ans. Veux-tu en prendre un et le caresser un peu? C’est thérapeutique.
Mes jambes mollissent, ma charpente chancelle, je suis à une seconde près de m’évanouir. J’imagine les serpents glisser sur mon ventre, entourer mon cou ou descendre dans mon dos. Étendue de tout mon long sur le tapis rose, des petits bouts de laine bloquant mes narines, je suffoque! Mon corps brûle de peur.
Haute sur ses talons, la psychothérapeute me cherche un quelconque état de détresse. Je lui crie que j’ai juste peur des serpents, une peur bleue depuis l’enfance!
Préparez-vous, chers lecteurs. Le 31 octobre prochain, des serpents grimperont dans les arbres! Ils nageront dans les gouttières des maisons, danseront sur les garde-fous et peut-être entreront-ils dans les cheminées?
Pour éloigner tout serpent aussi loin que possible de moi, je vais donc me déguiser en invincible soldate, en sorcière malveillante aux longs doigts squelettiques et bec de rapace falconiforme.
WHOU-OU-OU-OU-OU-OU-OU. JOYEUSE HALLOWEEN!
Cora
💀💀💀💀
Dans les Laurentides où je demeure depuis trente ans, une soudaine froidure a rougi les pourtours de nos montagnes. Pour l’instant, nous vivons dans une galerie d’art comparable au Louvre de Paris. Je sais pourtant qu’à la fin d’octobre, un peu partout sur nos devantures de maison, des citrouilles massacrées agoniseront en silence, des araignées géantes se tisseront des échelles pour descendre des gouttières, et des serpents mordorés claqueront des dents en s’enfuyant d’en dessous de nos galeries.
Puis la froidure s’installera, le blanc de l’hiver couvrira la terre et incessamment, je penserai aux festins du temps des Fêtes. Je m’y vois déjà. Grand tablier blanc attaché sur une veste immaculée, manches retournées, cheveux cachés, souliers confortables, musique baroque et thermos de café brûlant, je m’installe à l'immense table de la cuisine.
Le moment de cuisiner mes feuilletés aux épinards est enfin arrivé! Je dépose sur la table un immense bol dans lequel je mélangerai tous les ingrédients pour faire la pâte phyllo. Je cuisine cette recette depuis plus de 50 ans et, sans rien mesurer, je sais que la pâte malaxée donnera cinq grandes tôles rondes de 15 pouces de diamètre et d’un pouce et demi de hauteur. Au pif, quelque 20 morceaux de délicieux feuilletés par tôle.
Dans le gros bol, je mets de la farine blanche, du shortening végétal Crisco, des œufs battus, une fine pluie de sel et du Seven Up pour lier le tout en malaxant la pâte à la main. Plus mes précieuses mains s’affairent dans le bol et plus le mélange devient doux et docile. Je la divise en 25 petites boules de la taille d’une orange et, avec le rouleau à pâte, j’étends chacune d’elles en une feuille à la grandeur d’une assiette d’environ 9 pouces. Avec un pinceau, j’étends à profusion du beurre fondu sur chaque feuille et reforme chaque boule, les laissant tranquilles, juste le temps de sortir mon gros chaudron et de pocher rapidement 25 sacs d’épinards du commerce. Puis j’enlève toute l’eau en les essorant méticuleusement. Dans une grande poêle, je les rissole avec un peu de beurre, des échalotes et beaucoup d’aneth. Lorsque le mélange a refroidi, j’ajoute une bonne quantité de feta râpé grossièrement.
J’en suis à mon troisième café lorsqu’arrive le plus laborieux du travail. Il s’agit de reprendre chacune des 25 petites boules bourrées de beurre et de les aplatir une deuxième fois avec le rouleau à pâte jusqu’à ce qu’elles atteignent la dimension des grandes tôles.
Dans chaque tôle bien beurrée, je dépose une première grande feuille ronde que je badigeonne de beurre. Puis une deuxième badigeonnée et sur la troisième feuille, j’étends uniformément un cinquième du mélange d’épinards-feta sur toute la surface. Je recouvre ensuite le tout avec la quatrième feuille badigeonnée et finalement la dernière feuille, celle du dessus, qui devra être outrageusement bien beurrée. Comme c’est une pâte phyllo maison, le vrai beurre est très important.
Avant de mettre les tôles au four, je coupe les morceaux en carrés d’environ deux pouces et les recoupe lorsqu’ils sortent du four pour éviter de les briser. Comme mes tôles sont rondes, plusieurs morceaux sont inégaux.
Je me souviens tellement du temps où mes ados tournaillaient dans la cuisine, attirés par l’odeur enivrante des feuilletés tout juste sortis du four. Sous prétexte de prendre les morceaux biscornus, ils vidaient un tiers de la grande tôle avant qu’elle ait le temps de refroidir.
On peut congeler les tôles de feuilletés non cuits, ou cuits puis refroidis, sans problème. Je m’empresse de les mettre au congélateur si je veux qu’il en reste pour les fêtes de Noël! Bénies soient mes mains vaillantes, car presque tout le monde adore les feuilletés aux épinards!
Cora
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Vous connaissez, chères lectrices et chers lecteurs, cette fameuse émission diffusée sur ICI ARTV, L’autre midi à la table d’à côté? Eh bien, l’autre jour j’avais complètement l’impression d’y être. Dans le café où j’écris habituellement, voici qu’un inconnu à l’allure de vedette de cinéma s’attable pour me jaser. Oui, oui! Une bouille magnifique, des bouclettes sel et poivre, des yeux vert clair et un sourire à me faire perdre la tête.
L’homme ressemble à s’y méprendre au fameux docteur Jivago de ma jeunesse. Il a un sac Rudsak en bandoulière duquel il sort une grande enveloppe blanche qu’il dépose devant moi. Mon cœur, mes yeux et ma raison s’enflamment. J’attends pour ouvrir l’enveloppe.
— Que… que… que puis-je faire pour vous, cher monsieur?
— C’est vous, madame Cora, qui allez tout faire.
— Que… que voulez-vous dire?
— J’ai appris que vous étiez assez experte pour passer des messages à la gent féminine et j’ai besoin d’une personne comme vous pour prendre le pouls de cette population.
— Je… je ne vous comprends pas vraiment.
— Je voudrais que vous trouviez une façon bien à vous d’interroger vos lectrices pour savoir si chaque femme d’aujourd’hui est d’abord une priorité pour elle-même.
— C’est-à-dire?
— Posez-leur la question à savoir si « elles sont une priorité pour elles-mêmes ». Si elles s’occupent d’elles-mêmes, non pas tant à travers des soins ou des divertissements, mais en se posant des questions sur leur existence, sur ce qu’elles sont, sur ce qu’elles veulent. Ne cherchez pas à raisonner, mais simplement à poser les questions écrites dans l’enveloppe et à noter les pistes qui se présentent. »
— Mais… mais…
— Mais quoi? Demandez aux femmes « si chacune est sa propre priorité ». Demandez-leur si elles sont chaque jour, en toute conscience et en actes, au centre de leurs propres projets de vie. »
— Qui êtes-vous donc, cher monsieur? Auriez-vous oublié de vous présenter?
— N’ayez crainte, chère dame. Je suis en train d’écrire un roman d’amour et j’ai besoin d’en savoir plus sur la future femme de mes rêves.
— Cette femme existe-t-elle déjà en chair et en os?
Mal à l’aise et inconfortable, je ne sais plus quoi dire. Mon cœur tiraille et ne veut que plonger dans le sous-bois des magnifiques yeux verts de cet étranger. Ma logique ouvre ses ailes, tout prête à s’envoler et pourtant, pourtant, quelque chose me retient. Serait-ce le poids de l’âge, la timidité ou tous ces mots raisonnables que je disperse chaque dimanche?
Chaque fois qu’un homme qui me plaît m’approche, mon cœur s’emballe et ma soupe de mots colle au fond du chaudron. J’ai peur, tellement peur que l’Adonis se transforme en King Kong.
— Alors Madame Cora, allez-vous m’aider?
J’ai le goût de lui répondre que je vais aussi lui cuire des feuilletés aux épinards, ma spécialité! Lui dire aussi que mes mains ont envie de défriser ses jolies bouclettes sel et poivre; qu’il ressemble en tous points au docteur Jivago, le héros de mon adolescence. Comment pourrais-je retourner dans le passé et par magie, redevenir l’angélique jeune fille que j’étais jadis? Un seul homme m’a brisée et je braille encore…
— Cher monsieur, allez-vous finir par me dire votre nom? Comment puis-je réellement vous aider? Désirez-vous créer une femme parfaite? Croyez-moi, je suis une lectrice insatiable et je sais que cette femme n’existe que dans les romans à l’eau de rose. Bref, monsieur, je m’excuse, mais je ne vais pas interroger mes précieuses lectrices. Leurs milliers de commentaires m’ont appris à les connaître. Elles sont courageuses, attentionnées, bienveillantes, généreuses et surtout conscientes des enjeux de la vie d’aujourd’hui. Avons-nous vraiment besoin d’être une priorité pour nous-même? Nos projets de vie sont souvent bousculés, contrariés, malmenés, et nous avançons envers et contre tout. Ces vies que nous avons le privilège de donner font de nous des mères-courage, des femmes engagées et capables d’amadouer l’instabilité de nos propres existences.
Devant moi, l’homme toussote, ses doigts tremblotent et j’assiste tout de même à quelques discrets mercis. Puis il s’enfuit. Il n’a pas oublié de remettre dans son sac la grande enveloppe blanche dont je ne connaîtrai jamais le contenu.
Bien assise, j’essaie de réfléchir. Sur la table devant moi, une grosse larme tombe sur un minuscule cheveu gris.
Cora
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7 h 30 au café du village
Croyez-le ou non, ce matin, il pleut tellement fort que j’ai peur de sortir de ma bagnole. Le stationnement du café est désert et mes yeux fouillent l’horizon à la recherche d’une arche de Noé. J’attends un peu que l’averse se calme et poussant mon siège vers l’arrière, j’essaie d’ouvrir mon nouveau parapluie rouge. Il est si beau, si gros que je peine à le sortir de la bagnole. Vite, vite, j’empoigne ma mallette et je fonce tête baissée vers la porte du café.
7 h 58
Enfin je m’installe à ma place préférée avec, derrière moi, la fenêtre et son rideau de gouttelettes m’empêchant de bien voir dehors. Sur ma table, je dépose mon grand iPad, mon cahier de notes, quelques stylos et une plus petite tablette pour chercher ou corriger mes mots.
C’est dimanche, l’habituelle journée des familles convoitant leurs gâteries dominicales : tartes au citron, Paris-Brest, gâteaux au fromage, tiramisu, mille-feuilles, tartelettes de toutes sortes et délicieuses viennoiseries. Viendront-ils aujourd’hui? Peut-être devrais-je implorer Éole, le dieu grec du vent aux ailes toujours mouillées? Toutes ces jeunes et moins jeunes familles méritent ces petits plaisirs. Moi-même je prie pour que cesse la pluie.
8 h 50
Pendant qu’à l’extérieur un restant d’orage tournaille, quelques braves papas aux bras chargés de marmots entrent dans le café. Malgré l’eau qui dégouline de leurs cheveux mouillés, les enfants courent vers l’amoncellement de pâtisseries. Ils rient, ils crient, leurs minuscules doigts barbouillant la vitre toute propre du comptoir à viennoiseries. Peu à peu, la fête du dimanche reprend son cours. Le café se remplume et les petites bouches s’esclaffent à chaque table. Bien à l’aise, les mamans sirotant leurs lattés ressemblent à des étudiantes en congé.
C’est ainsi que j’adore ma vie, scribe et témoin de cette glorieuse banalité du quotidien. J’accumule tous ces gestes délicieux, ces sourires à croquer, ces bonjours enrubannés et je me réjouis de les disperser aux quatre vents. Je crois fermement que le bonheur assèche de lui-même tous les orages de la vie.
10 h 20
Le torse bombé, le dieu grec des vents a séché tout le parking et les deux galeries du café. Aucune table vide à l’intérieur comme à l’extérieur. Il est donc temps que je quitte l’endroit pour ma balade du dimanche.
La Mini Cooper grimpe maintenant vers Sainte-Agathe et fait le tour du magnifique Lac des Sables. J’aime tellement conduire et admirer le paysage, le jaunissement hâtif des feuilles contrastant avec le vert éclatant des gigantesques sapins. Dame nature m’enchante et me garde étonnée d’autant de beautés. J’en profite aussi pour revisiter l’attrayant « COULEUR CAFÉ SIGNATURE » au 7, de la rue Principale. J’adore l’endroit avec ses grandes tables accueillantes, ses fauteuils confortables, ses jolies boules de lumière, ses plantes suspendues, ses gâteries délicieuses et ses cafés hors du commun.
11 h 45
Il fait tellement beau soudainement que je décide d’aller au-delà de l’autoroute du nord vers le charmant village de Mont-Tremblant. Là où se trouve une précieuse librairie indépendante nommée « CARPE DIEM ». C’est un trésor bien caché, en retrait de la route principale et il faut connaître l’endroit pour y accéder. J’aime surtout leur échantillonnage de bons magazines, d’essais littéraires, de poésie et de romans sérieux. Dans de tels endroits, ma tête me dit toujours que je n’ai besoin de rien et je ne l’écoute jamais. Je ne peux résister, surtout aux bouquins bien écrits. J’ai demandé des nouvelles du prochain Julia Kerninon et, youpi!, on me confirme fin octobre. C’est mon auteure préférée avec aussi l’Islandaise Auður Ava Ólafsdóttir.
13 h 50
Je reprends la route en sens inverse, avec deux magazines, quelques bouquins et un petit creux. Comme je ne mange jamais avant treize heures, les boyaux commencent à gargouiller. Un beau restant de quiche aux épinards m’attend à la maison.
Saviez-vous que cette vieille reine des déjeuners n’a jamais appris à déjeuner le matin? Oui, oui, même si c’est elle-même qui, il y a 36 ans, a créé ce délicieux concept de restauration matinale, elle-même a toujours été en cuisine à concocter ses délices pour sa clientèle affamée. C’était la règle. Il fallait d’abord assouvir tout le monde et nous, les enfants, les employés et moi mangions vers 13 h 30. Dans ma famille, l’habitude est restée.
Je mange après 13 h, je me tape une petite sieste et ensuite je lis quelques heures pour améliorer mon écriture. À 18 h pile, j’allume le monstre parlant pour quelques nouvelles planétaires, puis je lui ferme le clapet. J’écris encore quelques heures sur ma table de cuisine et vers 20 h je soupe de poisson ou en grignotant légèrement : smoothie, assiette de fruits, noix, dattes et mes précieuses boules d’énergie maison. Puis, chaque soir en pyjama, étendue sur le confortable sofa du salon, je m’endors dans les bras de Morphée, avec un livre sur le nez.
Cora
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Hier soir, je peinais à m’endormir et j’essayais d’imaginer ce que c’était que de venir au monde. Après le fait accompli, personne ne se souvient de sa naissance, d’où l’on vient et comment ça se passe véritablement.
J’allais naître le 27 mai 1947, vers 15 heures selon maman. Avant que ne s’ouvre un couloir de lumière par lequel j’allais sortir de ma caverne, je nageais dans une eau tiède et bienveillante. Une cavité, un ventre, j’appris le mot plus tard. Un ventre maternel prenait soin de moi. J’apprendrai aussi que quelqu’un avait mis une petite semence dont j’ignorais la forme dans ce ventre qu’une femme transportait.
Le temps s’écoulait comme l’eau d’un ruisseau descendant vers la mer, et la petite semence grossissait. D’elle sortaient d’étranges excroissances dont on me dira plus tard les noms : bras, jambes, oreilles, orteils et petit nez qu’un petit doigt apprit à toucher. J’étais une toute petite chose qui, d’elle-même, grossissait. Une jambe, un bras s’étiraient et touchaient le pourtour de mon refuge. Je sentais une certaine résistance. Plus le temps passait et plus l’amoncellement de chairs vivantes grossissait.
Au milieu du mois de mai de cette année-là, j’entendis une voix rauque disant à celle qui allait être ma mère que l’enfant se portait très bien. À travers la cloison protectrice qui m’emprisonnait, j’avais senti la chaleur d’une grosse joue qui avait dit le mot « enfant ». La petite semence était-elle devenue cet enfant?
Lorsqu’enfin ma tête sortit de l’étrange refuge où j’étais, deux mains rosies de sang me plongèrent dans une bassine d’eau claire. On siphonna mon nez, on nettoya mes oreilles, et mes yeux s’entrouvrirent d’eux-mêmes. Où étais-je donc? On m’enroula dans un tissu laineux et on me déposa sur le corps inanimé de la femme appelée maman. On mit ma joue dans le creux de son cou comme pour me faire entendre ce que sa tête savait.
L’eau coula sous les ponts jusqu’au jour où je découvre un garçonnet marchant debout. À quatre pattes, je le poursuis et j’empoigne son jouet. Il a les fesses à l’air et entre ses deux cuisses, un petit doigt. Je tire sur ses boucles dorées jusqu’à ce qu’il pleure et que l’homme qu’on appelle papa me soulève de terre.
Le premier pas de l’homme sur la lune fut certainement moins brutal que de naître sur terre.
Petite semence, nous flottions innocemment sur l’eau et c’est la terre qui demain mangera nos os. Entretemps, l’enfant grandissant s’exerce à vivre. Il interroge ses parents, ses grands-parents, et éventuellement des professeurs qui bourreront son crâne de différents raisonnements.
Qu’est-ce que je suis venue faire sur terre et où sont toutes ces actions passées et ses vies antérieures qui supposément guideraient mon présent? Suis-je réellement responsable de mes actes? Serais-je juste la propriétaire d’une histoire inventée? D’un moule à gâteau sans réel gâteau?
Vous et moi, qui sommes-nous, chers lecteurs? Huit milliards de petits clones intelligents et tous différents! La vie serait tellement triste si toutes les fleurs se ressemblaient, si elles avaient toutes la même couleur et le même parfum. Pourtant, je me regarde dans la glace et je me crois unique. Squelette branlant, barniques vieux rose et foulard bleu-mauve.
Petite semence vient de très loin, de l’arrière-monde de ce monde que les sots croient avoir eux-mêmes inventé. Il y a pourtant ce premier souffle qui jamais ne s’essouffle, ce verbe semeur, cette main créatrice de milliards de matrices donnant naissance à l’univers entier.
Écrire est cette douce façon de me garder en vie et je vais juste faire cela. Me nourrir de bons mots, boire des phrases réconfortantes et, par très grand vent, peut-être pondre un roman?
Cora
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Vous souvenez-vous, chers lecteurs, de cette prénommée Isabel qui m’a interrogée à quelques reprises? La voici encore qui me supplie cette fois-ci d’interroger l’écrivaine que je suis en train de devenir. Et j’ai dit oui. Oui parce que cette jeune journaliste a de la suite dans les idées et parce que ce livre qui bientôt sera en librairie mérite peut-être quelques bons mots. Je déplie donc son courriel de questions et une après l’autre, je lui réponds.
— À titre d’auteure, quel est votre plus grand désir?
— Mon plus grand désir est sans contredit la possibilité de vivre jusqu’à cent ans. Non pour battre des records de longévité, mais pour avoir l’opportunité d’écrire le plus longtemps possible. Plus j’écris et plus j’améliore mon écriture. Je suis un tantinet perfectionniste et j’aime abonnir tout ce que je fais. Les mots sont mon champ de bataille préféré; les lourdauds, les boiteux ou les têtes vides n’ont aucune place sur mes lignes. En écriture comme en affaires, j’ai fait mes premiers pas sur le tard. J’ai ouvert le premier petit resto d’une grande chaîne à 40 ans et c’est la pandémie mondiale qui m’a ouvert, à 72 ans, la grande porte de l’écriture.
— Quand et comment vous est venue l’écriture?
— En septembre 1954, lorsque j’ai commencé ma première année, j’ai tout de suite été éblouie par le pouvoir des lettres de l’alphabet et j’ai vite appris à construire des mots. Comme la vie de mes parents tristounets déteignait sur nous, les enfants, j’avais pris l’habitude d’écrire en cachette sur n’importe quel bout de papier tout ce qui se passait dans la maison. L’extraordinaire pouvoir des mots m’accompagne depuis toujours.
— En qui ou en quoi croyez-vous, madame Cora?
— Je crois en la force créatrice de la vie et en Celui qui, le premier, a dit « Que la lumière soit ». Même lorsqu’elle se repose et couvre ses yeux de noirceur, la Lumière est. Il y a, selon moi, cette divine programmation du temps qui ne s’arrêtera jamais.
— Quel défaut pouvez-vous vous pardonner?
— Peut-être la gourmandise puisque je suis appelée à goûter tout ce que nous servons et projetons de servir à nos précieux clients. Trente-six années plus tard, je tiens encore mordicus à l’intégrité du concept Cora.
— Quel mot vous définit le mieux?
— Il n’y en a pas qu’un seul! Je suis une gardienne de beaux mots, une plume vaillante, constante et suffisamment créative pour divertir un très grand nombre de lecteurs du dimanche.
— Est-ce facile d’écrire?
— Ça l’est tellement lorsqu’on croit au pouvoir magique des mots; à leur unique façon de semer de belles phrases entre les lignes.
— Où trouvez-vous l’inspiration?
— Un peu partout. Tout m’inspire! La glorieuse banalité du quotidien est ma source d’inspiration première. À cet effet, écrire dans un café est un incomparable spectacle. De l’étrange bouille d’un nouveau client jusqu’au pourtour de son petit cœur, j’observe, je fouille, je scrute et je fabule jusqu’à ce que je découvre de quel bois se chauffe cet énigmatique sourire. Après quatre jours, quatre semaines, bien souvent un étranger devient un habitué de l’endroit.
— Avez-vous un dada particulier concernant votre écriture, une difficulté, une manie?
— J’ai toujours été plus patiente que la patience lorsqu’il s’agit de l’écriture. Lorsqu’une bonne idée m’arrive, je l’entrepose dans mon calepin d’écriture et j’attends. Lorsqu’un léger déploiement de l’idée semble avoir suffisamment mariné dans ma tête, j’entreprends de taper sur l’iPad quelques phrases annonciatrices de l’intrigue. Ligne après ligne, j’avance lentement. Implorant dame inspiration et la fée des jolis mots, plusieurs paragraphes tombent du ciel et meublent l’histoire. Maniaque de la correction, je relis mon texte à outrance. Toujours, toujours en essayant de l’améliorer. Peut-être devrais-je avoir davantage confiance en mon talent?
— Dans quel état d’esprit êtes-vous lorsque vous écrivez?
— Lorsque j’écris, je suis la plus heureuse des femmes; réceptive à l’inspiration, privilégiée, dirais-je. Comme je ne suis pas une écrivaine de métier, je ne m’attends jamais à de grands éloges. Je demeure modeste et confiante en l’avenir.
— Ce livre qui sortira le 27 septembre prochain, qu’en pensez-vous?
— Je crois que c’est un bon début pour une vieillotte s’essayant à l’écriture. J’ai ce souffle brûlant d’espoir. Ma tête demeure un terreau fertile où je n’ai qu’à tirer du néant les jeunes pousses et attendre qu’elles éclosent à leur aise. Écrire pratique ma patience, mon endurance et ma vaillance. « Que du bon », dirait sœur Marie-Ange de ma troisième année en Gaspésie.
Cora
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J’ai en tête une terrible histoire dont je voudrais me libérer avant que ma mémoire s’endorme ou flanche tout d’un coup. Il s’agit d’un certain personnage dont je ne connaissais pas le nom. Cet homme ébouriffé, vêtu de guenilles et malodorant, quêtait neuf à dix mois par année au fameux carré Saint-Louis de Montréal. Traversant le parc chaque jour vers dix-sept heures trente pour rejoindre mon logis, je le croisais, le dévisageais, l’examinais et humais son parfum de lait suri.
J’ai vite appris d’un voisin de palier, que l’homme, appelé Arthur, refusait pour lui-même quoique ce soit qu’il aurait pu donner à plus pauvre que lui. D’après le voisin, chaque année, c’étaient les premières tempêtes de neige qui poussaient le quêteux vers l’ouest du pays.
À Vancouver, me conta le voisin, Arthur passait quelques mois au chaud à ramasser les seringues et les détritus des drogués habitant les cours arrière des cinq ou six pâtés de maisons situées sur la fameuse rue Hastings. Il nourrissait les affligés, consolait les désespérés et encourageait les jeunes accros à s’en sortir. Arthur quêtait aussi à ses heures, amassant des vingt-cinq sous pour fournir à manger aux plus démunis. Lui-même se contentait de boire quelques boissons gazeuses et de manger les restes de nouilles frites laissées pour compte dans les cantines asiatiques avoisinantes.
Selon moi, qui le croisais chaque jour à Montréal, cet étrange Arthur avait toujours l’air d’avoir un dard d’abeille planté dans une fesse. Il boitillait, se déhanchait, traînait la patte et criait aux mouches de lui ficher la paix. En dernière année de collège, mon père m’avait loué une chambre en ville pour éviter les longs allers-retours vers notre maison de banlieue. C’est ainsi que les jours de semaine, lors de mes déplacements, je croisais Arthur le quêteux.
Ayant appris du voisin sa prétendue histoire, j’étais des plus perplexe. Qui était cet homme mystérieux? Depuis quand quêtait-il? Voilà qu’au lieu de quitter ma chambrette pour les vacances de Pâques, j’ai décidé de rester en ville pour espionner Arthur. Oui, oui! J’allais m’asseoir sur un banc du carré Saint-Louis avec le journal du matin et un cahier ligné pour supposément avancer l’écriture d’un roman policier.
J’arrive donc très tôt Vendredi saint au matin dans le parc quasi vide. L’herbe mouillée de froidure détrempe mes bottillons. Un jeune policier à bicyclette y est déjà et je le salue. Au fond du parc, en retrait sous un immense chêne, quelques soûlons endormis cuvent leur vin. Les piétinant gaiement, des dizaines d’écureuils cherchent des glands pour leurs déjeuners. Grelottant sur mon banc, je fais semblant d’écrire. Dans ma tête, j’imite l’ingéniosité du fameux capitaine-détective Jacques Cinq-Mars dont je viens tout juste de lire le dernier exploit. Connu comme Barabbas dans la passion, cet Eliot Ness montréalais aiguise soudainement ma curiosité.
Où est donc passé le quêteux dépoitraillé et généreux? Mes yeux ratissent l’horizon. Nada! Quatre femmes d’âge mûr s’approchent de mon banc. Elles virent à droite et avancent vers une longue table à pique-nique, elles s’y assoient et parlotent à voix basse comme si elles avaient quelque chose à cacher.
L’heure avance et assèche le tapis de rosée. « En avril, ne te découvre pas d’un fil », disait ma mère. Mon roman imaginaire est au point mort. Je suppose qu’Arthur dort encore. Serait-il en train d’attendre le chant des cigales pour se réveiller; la douceur du vent ou le mûrissement des premières framboises?
Le soleil est à son zénith, dirait grand-père Frédéric et mes yeux s’affolent. Ils tricotent des nuages d’inquiétude. Mais où est donc Arthur? Je ne le vois nulle part. Sous le gros chêne, un à un les soûlons se réveillent fripés comme des paillassons. Ces hommes auraient-ils entrevu Arthur? L’auraient-ils malmené, saoulé, rudoyé et caché?
L’officier à bicyclette a changé de visage. J’ai faim, j’ai soif et mes jambes ankylosées me font très mal. Je me lève et marche un peu. Les quatre femmes d’âge mûr chuchotent encore. En m’approchant de leur table, je réalise pourtant qu’elles ont changé de diapason. La plus vieille parle vite et plus fort. Comme si quelque chose de grave devenait évident, flagrant, épeurant. Quelle étrange sensation!
De loin, un sifflement de sirène tranche l’horizon. Les quatre femmes se lèvent et courent vers l’ambulance. Une foule de badauds encercle le carré Saint-Louis. J’essaie d’interroger un ou deux itinérants, mais personne ne me répond. Ils savent tous ce qui arrive, mais ils restent muets. Plusieurs habitués plient bagage et quittent le gazon. Ce sont des habitués de l’endroit, je suppose. Des voisins des environs, des passants fatigués, des vieillards endimanchés, des artistes en attente d’inspiration; de simples promeneurs, peut-être même des chômeurs.
Tel que je l’avais prévu, le lendemain, je reviens m’asseoir sur mon banc et entreprends de noircir les pages de mon cahier ligné. J’y passe quelques heures, plusieurs larmes diluant ma frayeur.
Arthur est mort. Selon les ambulanciers, son cœur généreux se serait arrêté de battre vers quinze heures, ce Vendredi saint 12 avril 1968. Son corps dépouillé, brutalisé, et finalement tué, a été trouvé dans une ruelle adjacente au fameux carré Saint-Louis.
J’apprendrai dans le Journal de Montréal que l’enquête fut confiée au capitaine-détective Jacques Cinq-Mars. Je découvrirai aussi, quelques semaines plus tard, que monsieur Arthur V. fut un homme très riche, très connu et très éprouvé. Sa femme et ses quatre enfants ont péri dans l’incendie d’une de leurs résidences secondaires à l’étranger. Arthur a voulu tout donner, tout disperser et il a consacré le reste de sa vie à aider les démunis.
Je m’en veux encore aujourd’hui d’avoir douté d’Arthur le quêteux! Les apparences sont souvent trompeuses.
Cora
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