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27 mai 2022

Je suis presque jalouse!

Ces jours-ci, lorsque je rougis mes lèvres devant le miroir, il m’arrive de voir apparaître sur le haut de mon front des petites cornes de diable. Oui, oui, vous avez bien lu! De temps à autre, une vilaine jalousie s’empare de ma caboche. Pourtant, sauf pour les grandes héroïnes de l’histoire, je n’ai jamais envié quiconque. Ni Céline Dion, connue mondialement, ni la célèbre Coco Chanel, ni même mon idole, la grande romancière canadienne Margaret Atwood (82 ans).

La vérité, c’est que j’admire toutes les femmes braves et courageuses. Or, voilà que pendant cette vilaine pandémie, j’ai tout fait pour continuer à vivre normalement. J’ai réfléchi à outrance à ma situation de récente retraitée; j’ai béni ma passion pour l’écriture et j’ai lu matin, midi et soir des livres sérieux pour apprendre, de bons romans pour me divertir, et les très grands auteurs pour améliorer mon style d’écriture.

Tout allait bien jusqu’à ce qu’une montgolfière géante envahisse ma maison. Oui, oui, j’ai presque arrêté de respirer tellement un gros ballon de jalousie s’est emparé de mon espace vital. « Une plausible jalousie », me direz-vous? Mais apprendre à quelques semaines d’intervalle que quatre déesses, dans mes âges, ont récemment trouvé l’amour; c’en est trop! Pas deux, pas trois, mais quatre femmes quasi aussi mûres que moi. C’est une trop grosse bouchée à avaler. Moi qui suis célibataire depuis plus de quarante ans, comment puis-je retenir mon désarroi? Ne puis-je mériter, moi aussi, un agent 007, un Bradley Cooper ou même un beau vieillard ressemblant à Sean Connery?

La première chanceuse à m’apprendre la bonne nouvelle fut mon ancienne copine de collège; du temps de nos premiers balbutiements devant la gent masculine. Mireille était assurément plus éduquée que moi sur les choses de la vie, car chez nous, maman pensait que l’école allait faire de nous des jeunes filles modèles. Ainsi donc, j’ai peu appris sur l’amour et les parades de jars fringants; et pas plus sur la valse et le tango. Bref, tout comme moi, Mireille a épousé un étranger. Et nous nous sommes perdues de vue dans nos communautés respectives pendant toutes ces années passées à jouer à la maman. J’ai divorcé à 33 ans et je l’ai vue encore moins souvent, enrôlée dans la course à la survie. Puis ce furent les affaires, quelques voyages et son tragique appel m’apprenant, en 2016, la mort de son époux. J’étais à Tokyo pour encore 18 jours et je n’ai pu la consoler. Veuve encore amoureuse de la vie, Mireille a rencontré le plus merveilleux des hommes quelque deux ans après la mort de son époux. Veuf lui aussi, ils ont tout de suite sympathisé. Je les ai rencontrés il y a quelques mois et j’ai été éblouie du bonheur de ces deux tourtereaux, visible à l’œil nu. Tellement d’amour et de baisers à la sauvette enrubannaient leurs deux présences que j’ai senti un petit bond sur ma tête. Comme si mes petites cornes avaient rallongé de quelques millimètres, juste à contempler ce couple d’amoureux.
« La tendresse, insista Mireille. Mon grand David incarne la tendresse. »
- Anges bénis, dites-moi vite si la tendresse se détecte à l’œil nu et comment faire pour qu’elle accoste dans mon cœur?

Puis ce fut Lilianne. Celle que j’ai le moins fréquentée à cause de son travail à travers le Canada. Divorcée, elle est extrêmement jolie, coquette et audacieuse. Et pourtant, c’est sa grande fille qui a trouvé un amoureux pour sa mère : un voisin bien peiné d’avoir perdu son épouse cancéreuse. Elle les a présentés l’un à l’autre et le coup de foudre s’est occupé du reste. Moi aussi j’ai une grande fille. Peut-être me trouve-t-elle trop vieille pour être présentée à un prince charmant? Et par surcroît, le nouvel amoureux est une dizaine d’années plus jeune que notre Lilianne. Je suis certaine que c’est son sourire qui l’a séduit. Nous avons mangé ensemble à Bromont, et je les ai trouvés magnifiques. Pendant que lui, attentif et souriant, tournait les burgers sur le BBQ, elle, coquine et espiègle, distribuait les garnitures avec choix de relish, ketchup et moutarde épicée. J’étais estomaquée de bonheur. Surprise qu’un couple récemment reconstitué puisse être à ce point éblouissant d’amour. Ce jour-là, mes petites cornes ont drôlement allongé.

Arriva ensuite le tour de Carole; celle qui travaille encore comme une forcenée. Elle est agente immobilière. Célibataire cherchant l’homme idéal depuis très longtemps, Carole ne s’est jamais résignée et elle a eu raison! Il y a un mois, elle m’a invitée au resto asiatique du village pour m’apprendre la nouvelle. Son cari aux crevettes refroidissait sur la table pendant qu’elle-même s’enflammait juste à me décrire le nouvel homme de sa vie. Au dessert, je l’ai vu en photo et j’ai cru faiblir. Un beau brun aux yeux bruns; ancien professeur, libre comme l’air, attentionné et très habile en rénovation de maison. « Et justement, d’ajouter la belle Carole, ma demeure elle aussi a besoin de tendresse. » Wow! Mes petites cornes poussent trop vite. Serais-je donc la seule esseulée au monde? Mais comment pourrais-je afficher ma binette sur les médias sociaux pour vanter autre chose qu’un bon déjeuner? C’est pourtant ainsi que Carole a trouvé l’élu de son cœur. J’ai honte! On voit certainement les petites cornes dépasser de ma chevelure.

À peine une semaine plus tard, Cupidon atteignit Sophie, une magnifique femme beaucoup plus jeune que moi et prof de yoga. Nous nous sommes rencontrées chez une amie commune et avons tout de suite fraternisé; assez pour qu’elle me confie avoir récemment « trouvé chaussure à son pied » sur les réseaux sociaux. Seigneur, je désespère! Elle aussi a trouvé un bel amoureux.

Elle a pris son temps, m’avoua-t-elle, examinant plusieurs profils intéressants. Elle a aussi partagé avec moi son horreur des listes à rédiger pour trouver le bon candidat.
« Après tout, ma chère Cora, il ne s’agit pas d’une liste d’épicerie ».
Moi qui pensais que oui. Il faut quand même savoir quoi mettre dans le panier pour pouvoir apprêter un bon repas.

Et cette chère Sophie, spirituelle et profonde, de me dire que la seule chose qu’il y a à faire c’est de « s’interroger soi-même, sur ce que l’on veut vivre avec un nouveau compagnon ». Elle a elle-même posé la question à certains candidats du réseau et celui qui a répondu « JE VEUX VIVRE LA BIENVEILLANCE » est celui qu’elle a choisi et qui s’est avéré pour elle un compagnon magnifique, « une véritable âme sœur », a-t-elle renchéri.

Je ne veux plus être jalouse de qui que ce soit. Je veux juste pratiquer ma bienveillance. Être compréhensive envers autrui, indulgente, gentille, douce et attentionnée. Je veux vraiment m’ouvrir au bonheur. M’accepter telle que je suis, avec mes forces et mes faiblesses. Être capable d’exprimer mes besoins et d’être à l’écoute des besoins des autres.

Je veux vivre encore longtemps avec amour, courage et détermination. Et peut-être qu’un jour, la BIENVEILLANCE elle-même me prendra sous son aile. « Demandez et vous recevrez », répètent les sages depuis des milliers d’années.

Cora

P.-S. – Bien entendu, tous les prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat des chanceuses.

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