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10 novembre 2023

La fabrication d'un chef

Les leaders se fabriquent eux-mêmes à partir de la meilleure raison au monde : vouloir créer quelque chose qui a le potentiel de devenir beaucoup plus grand qu’eux. J’ignorais ces choses en ouvrant le premier petit resto. Comment l’aurais-je su? Moi qui n’avais appris, pendant trop longtemps, que des matières immatérielles telles que l’histoire du monde, les langues anciennes, la littérature et la philosophie. Lorsque je me suis retrouvée divorcée, fauchée et pauvre comme Job, je souhaitais juste gagner ma croûte et nourrir mes trois enfants.

Mes débuts en affaires sont beaucoup moins prestigieux que ce que vous pourriez imaginer. Peut-être suis-je tombée par hasard dans la « potion magique »! En vérité : je n’ai pas choisi la restauration, c’est elle qui s’est imposée à moi et c’est pourtant ainsi que j’allais rapidement exceller. Ayant vendu in extremis la maison familiale que la banque avait dans sa mire, j’ai ouvert le premier Cora sans idée préconçue, ni passion particulière pour la nourriture, ni rêve de grandeur ou de réussite éclatante. J’allais juste cuisiner, servir des clients, nettoyer le bouiboui et apporter à l’appartement les restes de nourriture pour le souper des enfants.

Mais me voilà pourtant comme un « dumpling », la tête émergeant du bouillon. Soudainement happée par un second niveau de signification, je me suis mise à donner de l’importance aux gestes, aux choses et aux créations alimentaires nouvellement installées dans ma tête de patronne. Chaque jour, je me surprenais à vouloir embellir, mieux faire, ajouter de la couleur et une saveur inoubliable à chaque déjeuner. Sans m’en rendre compte, les rondelles de bananes, les fraises et les framboises se sont mises à danser sur les tranches de pain doré. Les bleuets frais sautant sur les triangles de melon avec les gros raisins rouges, les flèches de pommes, et les sourires de pêches juteuses.

Quelque deux mois plus tard, j’ai composé mes premières feuilles d’horaire du personnel, feuilles d’inventaire des denrées, un rapport quotidien de fermeture de caisse avec le nombre de clients et la somme d’argent, ainsi qu’un modèle de résultats mensuels afin que je puisse suivre notre progression. D’où m’est venue cette soudaine expertise? Je me le demande encore. Dans ce premier resto Cora, jour après jour, j’ai créé tout ce que nous appellerions plus tard « le concept CORA ». Épurant la tradition d’alors, j’ai amélioré chaque recette et chaque choix d’aliment. Je me suis souvenu du mélange à crêpes de ma mère et j’ai fait mon propre sirop à la vanille. Puis, me rappelant le blanc-manger du collège, j’ai concocté une crème pâtissière hors du commun.

Mon assurance en cuisine grandissait aussi vite que les files d’attente quotidiennes s’allongeaient. Je m’en souviens tellement. Ignorant encore la portée de mes gestes, j’organisais dans ma tête le travail à faire et le monde autour de moi pour m’aider. Sans le savoir, je nous préparais à croire à une réalité encore invisible à l’œil nu. Voilà humblement le début de ma carrière en restauration. Certes, je n’avais pas choisi cette vocation, mais le temps a enflammé ma passion. Au lieu de m’apitoyer sur mes misères, je me suis attelée à la tâche; tirant nos vies vers des jours meilleurs. Parce que je n’avais pas le choix, je me suis engagée à réussir. J’ai multiplié les efforts que d’autres n’ont pas fournis et j’ai obtenu une abondance de résultats que les moins convaincus n’ont pas connus.

J’ai commencé très tôt à persuader mes enfants et les premiers employés que nous allions bien au-delà que de servir des clients. Nous construisions quelque chose, une idée, une façon de faire différente de ce qui existait à l’époque. Bien sûr, je manquais de mots et de connaissances pour articuler correctement l’œuvre à laquelle nous participions et dont nous devenions les humbles serviteurs.

Je ne sais pas où j’ai trouvé le courage nécessaire pour entretenir cette chimère jusqu’à ce qu’elle puisse émerger du néant. Je réalise aujourd’hui que, dans ce premier restaurant de 29 places assises, j’ai accouché d’un concept extraordinaire. Comme une vraie mère, j’ai veillé moi-même mon bébé jour et nuit. En cuisinant, en inventant et en rêvant, je n’ai pensé qu’à lui, à son bien-être et à sa pérennité. J’ai assumé toutes les responsabilités liées à sa croissance et j’ai aidé les gens autour de lui à mieux le servir. Tout cela je l’ai accompli en prenant soin de nous garder, mes enfants, mon équipe et moi, à l’abri du chaos pessimiste des incrédules.

La naissance du concept CORA a fait de moi un chef; un leader qui, telle une maman attentive, s’est mis à acquérir sur le tas et dans l’épreuve chacune des forces qui lui serviraient à accompagner l’enfant jusqu’à maturité. J’ai voulu enseigner par l’exemple et ne jamais exiger de quelqu’un ce que je n’étais pas prête à faire moi-même. J’ai été disciplinée et sévère, écartant de moi tout ce qui menaçait la réalisation de mes objectifs. Ça n’a pas toujours été facile de croire au potentiel de mes idées; pas facile du tout de croire à un concept bâti sur une montagne de coquilles d’œufs.

Le malheur lorsqu’on est le CHEF d’une entreprise, c'est qu’il n’existe pas d’autorité supérieure susceptible de nous accorder un petit bravo, un « très bien » entre deux réunions. Voilà sans doute pourquoi j’avais accroché dans mon premier resto la photo de mon papa, décédé avant même que je démarre en affaires. J’avais tellement besoin de ces petits mots d’encouragement à mes débuts et, paradoxalement, on dirait que c’est l’époque où ils se sont avérés les plus rares.

Les sourires des clients m’ont toujours gardée combative et saine d’esprit. De même aujourd’hui, très chers lecteurs, vos multiples commentaires, chaque semaine, m’encouragent à continuer d’écrire. Mille MERCIS à vous tous!

Cora

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