Les questions de mon amie journaliste
Vous souvenez-vous de mon amie journaliste qui m’a interrogée plusieurs fois avec ses questions originales? Elle m’a soumis quelques autres idées. J’ai envie de lui dire non, mais je cède et je dis OUI.
— « Que voulez-vous encore savoir de moi? Je vous ai confié déjà tellement de choses! Mon cœur balance maintenant entre retraite et vieillesse. Rien de très intéressant, sauf l’écriture qui alimente mon esprit quasi chaque matin. Allez, allez! Chère dame Isabel, posez-moi vos questions! J’ai ce soir un bal et je dois choisir une robe convenable. »
— « Vous allez au bal? »
— « Non, mais j’aime l’idée! »
— « Vous me semblez en grande forme et tout en blague ce matin, Madame Cora! Comment va votre santé? Travaillez-vous encore? »
— « Certes, comme le beau divan en cuir rouge du salon, j’ai vieilli. Les coussins sont un peu ridés, comme mon cou, mais la sieste d’après-midi y est fantastique. Quant à ma santé, je touche du bois, je suis en pleine forme. Mes doigts piochent sur le clavier, mais mes rotules se lamentent un peu et m’empêchent de prier à genoux, hi! hi! »
— « Cora, est-ce qu’on naît entrepreneur ou est-ce qu’on le devient? »
— « Moi, je le suis devenu. J’étais une intellectuelle qui ne rêvait qu’à écrire des poèmes. Puis, il y a eu le mariage qui a chamboulé ma vie et mes projets. Je me suis tournée vers la restauration pour nourrir mes enfants. Mon succès dans les affaires m’a étonné énormément. Peut-être est-ce ma créativité qui s’avéra le fil conducteur de ma réussite? Si on parle de ma naissance, je dirais que je suis née quelque part entre les 26 lettres de l’alphabet. Oui, oui! Ma capacité d’écrire demeure ce que j’ai de plus précieux. C’est un trésor que je n’ai découvert que sur le tard. Quant à devenir entrepreneur, c’est en ouvrant un tout petit restaurant de 29 places que j’ai commencé. J’ai vite compris que j’étais géniale en cuisine et très créative. En insistant pour développer le premier repas de la journée, j’ai créé un extraordinaire concept de restauration matinale. Rapidement, notre bannière a ouvert quelque 150 restos de déjeuners au Canada, me couronnant officiellement, en toute humilité, la Reine des déjeuners. »
— « Vous considérez-vous comme un loup solitaire ou un papillon batifoleur? »
— « Je ne me connais pas encore vraiment. Je me considère sans doute surtout comme un loup solitaire qui a appris à lire, à écrire et à compter. En affaires, j’ai dû m’entourer et apprendre à travailler en meute. Vaille que vaille, j’ai toujours fait de mon mieux pour mes enfants, pour mes employés et pour mes précieux clients. J’ai longtemps été une femme tellement sérieuse. Aujourd’hui pourtant, à 78 ans, j’ai tendance à batifoler, à faire la folle, tout en demeurant un tantinet sérieuse. »
— « Nous savons tous que votre dada, c’est l’écriture. Au début de la pandémie, vous avez commencé à publier une lettre chaque dimanche et nous constatons que vous n’avez jamais cessé. Allez-vous finir par arrêter? »
— « Je vous le jure, j’ai besoin d’écrire pour exprimer mes émotions et surtout pour élaguer mes obsessions. Je désire continuer jusqu’à ce que mon cœur arrête de battre. Tellement de fourmis trottinent encore entre mes lignes. Je veux vider ma caboche. La dernière fois, vous m’aviez demandé si je préférais dessiner ou écrire et j’avais oublié de vous répondre. Je préfère écrire, mais j’aime aussi dessiner, surtout des fruits, des fleurs et des oiseaux exotiques de toutes les couleurs. Et des hiboux, comme vous le savez déjà! »
— « Qu’est-ce qu’on peut offrir à une femme comme vous, qui ne manque de rien? »
— « Tricotez-moi si possible quelque 22 nouvelles années pour que, moi aussi, comme notre fameuse Janette Bertrand, je puisse fêter mes 100 ans. Trouvez-moi un amoureux digne de ce nom! Un homme doux, gentil, instruit qui aime beaucoup, comme moi, aller au cinéma. Je ne désire rien d’autre ici-bas que de conserver dans mon cœur cette divine providence qui m’a toujours aidée. »
— « Que diriez-vous à un potentiel beau prétendant? »
— « Avec maintenant plusieurs kilos de maturité derrière mon tablier, je me tairais d’abord et j’écouterais religieusement ce que l’homme aurait à me dire pour me séduire. J’étudierais son allure, un tantinet sa vêture, ses souliers bien frottés et la petite odeur de parfum cachée derrière ses oreilles. Presque chaque matin, lorsque j’écris chez McDo, je me rince l’œil! J’ai le choix des colosses qui viennent passer leur commande à l’intérieur, sur de fortes jambes, au lieu des paresseux qui utilisent la commande à l’auto. Je badine, je rigole. L’appétit vient en mangeant! »
— « Justement, plaisantons un peu! Si vous étiez un légume, lequel seriez-vous, et pourquoi? »
— « Chère dame Isabel, si j’étais un légume, pour sûr, je serais un joli blé d’Inde. Jaune comme mon soleil jaune Cora, bourré de vitamines, de phosphore, de magnésium et de potassium. Avec ma belle chevelure au vent, je me tiendrais debout dans les champs jusqu’à complète maturation. Puis, lorsqu’on me cueillerait tout doucement sous la lumière étincelante du mois d’août, peut-être pour une épluchette, je deviendrais immanquablement la reine du jour! Chaque légume devrait vivre son heure de gloire! »
Cora
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