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26 mai 2023

Madama Butterfly

Ça y est, j’y suis enfin allée le 9 de mai, à la Place des Arts de Montréal. Cette première fois à l’opéra était sur ma bucket list depuis toujours et je m’empresse ce matin de vous raconter cette soirée irréaliste et sublime.

Je suis arrivée dans le Quartier des spectacles assez tôt, vers 17 h 30, et le temps doux m’incita à marcher à l’extérieur  45 bonnes minutes avant d’entrer dans le royaume de Puccini où un commentateur aguerri invitait la foule à la présentation de l’œuvre.

Déjà, j’étais éblouie. Je connaissais l’histoire, mais je pensais avoir oublié la jeune geisha Cio-Cio-San. Pourtant, lorsque le commentateur nous fit entendre les principaux airs de musique de Madame Butterfly, je les reconnaissais.

Toute jeune femme, avant même de subir les déboires d’un époux, j’adorais la voix humaine. Pavarotti était mon héros souvent accompagné de Plácido Domingo et de José Carreras. La puissance de leurs voix me chavirait. J’étais à cette époque une pure intellectuelle rêvant de réécrire l’histoire du monde. C’est pourtant ce monde à ma porte qui me coula dans d’étroits ruisseaux, m’obligeant à nager à contre-courant vers ma réelle nature. J’avais 15 ans, l’âge de la jeune geisha de Puccini et déjà, j’adorais la voix humaine. J’avais conscience que cette voix était un trésor caché, une éruption volcanique capable d’adoucir les pires chagrins. Et j’allais éventuellement m’en servir pour me remettre au monde.

Treize longues années d’épousailles gâchées m’avaient privée de musique et de voix divines. Mais j’allais me rebâtir. Do, ré, mi, fa, sol, la, si. Je me suis enfuie et j’ai retrouvé ma vie. En 1980, j’étais libre comme l’air. J’avais 33 ans et Andrea Bocelli en avait 22. Il chantait comme un dieu et je voulais l’épouser. J’avais cette urgence de reprendre le temps perdu. Mais comme disait si bien maman : le lait répandu ne se ramasse pas. J’avais surtout besoin de travailler pour nourrir ma marmaille. Et je l’ai fait, pendant trente ans, d’une voix grave de baryton, autoritaire et puissante.

Me voici donc assise dans la première rangée, devant l’orchestre. Le rideau, un immense paravent japonais, s’ouvre. Nous sommes à Nagasaki et Goro, le marieur du canton fait visiter à l’officier américain Pinkerton sa nouvelle maison. Il lui présente Suzuki, la nouvelle servante de sa future épouse. Le consul des États-Unis est présent et il met en garde Pinkerton contre son union avec Cio-Cio-San, jeune geisha de quinze ans, rayonnante de bonheur à l’idée de ce mariage.

À l’issue de la cérémonie, choqué par le changement de croyance de sa nièce, l’oncle de la mariée la renie. La famille de Cio-Cio-San, amoureusement surnommée Madame Butterfly par son bel officier américain, se retire et un long duo d’amour réunit les nouveaux époux. Rapidement, Pinkerton doit retourner aux États-Unis. Trois années passent et Butterfly est toujours sans nouvelle de lui. Son cœur est convaincu qu’il reviendra. Elle repousse même les avances d’un riche prince qu’on lui a présenté.

Le consul américain sait qu’entretemps Pinkerton s’est marié et il doit l’apprendre à Butterfly. Celle-ci ne le croit pas et elle attend toujours. Elle lui répond même que si c’était vrai, elle se tuerait.

Elle continue donc d’attendre en embellissant sa maison de fleurs et d’espoir. Puis un jour, elle apprend que Pinkerton revient avec une nouvelle épouse américaine. Lorsqu’ils arrivent, Madame Butterfly joue ses derniers instants de vie. Elle confie son jeune enfant à l’épouse américaine et se fait hara-kiri sous les yeux de l’officier américain.

Goutte à goutte, j’ai pleuré mon âme pendant cet opéra de Puccini et toute mon accablante souvenance s’est dissoute dans l’eau des larmes de Madame Butterfly. J’en remercie donc l’extraordinaire soprano libano-canadienne, Joyce El-Khoury, pour son interprétation sublime de Madame Butterfly.

Cora
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