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7 janvier 2024

Satanée souffrance

Satanée souffrance de penser qu’il nous manque toujours quelque chose; que nous sommes incomplets, inachevés et miséreux. Je souffre parce que je crois encore qu’il me faut gagner mon ciel à la sueur de mon front. J’ai été éduquée ainsi et lorsque de bonnes choses m’arrivent facilement, j’ai la trouille. J’ai beaucoup de difficulté à oublier le petit catéchisme catholique de mon enfance. Croyez-le ou non, j’en ai encore un exemplaire quelque part parmi mes livres sur Dieu et les différentes religions; trois hautes étagères bourrées de mystère entourant notre salut.

J’arrive à la fin de ma vie et j’ai encore peur du diable, de l’enfer, et de tous les péchés que j’aurais commis sans m’en apercevoir. Alors que j’étais toute jeune, en troisième ou quatrième année, je me souviens de monsieur le curé qui s’installait dans le confessionnal. Il ouvrait une petite porte haute et à travers le grillage, il m’interrogeait. Il cherchait à savoir si j’avais dit des mensonges, commis des péchés, de petits vols de friandises ou des touchés interdits.

Je me souviens de son acharnement. Il insistait pour que j’avoue quelque chose. Une caresse entre les cuisses? Une main sur un sein? Je disais toujours non. Je ne trouvais rien à confesser. J’étais confuse bien souvent et je tremblais devant cet homme à la soutane noire. Trop gênée pour en parler à ma mère, ma tête a grandi en transportant cet étrange et sombre personnage. Ce n’est que rendue au collège que j’ai appris que les zones érogènes de la femme attiraient les mâles de tout acabit. Et moi, grandette, je les fuyais parce que j’avais encore peur des péchés.

À quel âge ai-je compris la différence entre le bien et le mal? J’ose à peine y penser. Mes parents ne parlaient jamais de ces choses-là. Nous apprendrons beaucoup plus tard, après la mort de maman, qu’elle était amoureuse d’un protestant que la religion l’avait empêchée d’épouser. Par dépit, elle a marié le bon gars que son père voulait pour elle, et nous, les fillettes, avons malheureusement grandi sans amour dans la maison. Le cœur brisé de ma mère ne s’est jamais réparé et, par conséquent, elle a toujours semblé incapable de nous couvrir d’affection, de démontrer de la tendresse à ses enfants ou à son époux.

Certes, nous étions baptisés et je me souviens d’un certain album de photos trouvé après la mort de maman. Parmi les rares photos d’enfants, j’y étais, toute de gris vêtue avec une mantille noire sur la tête. Au dos, c’était écrit : confirmation de Cora.

Au collège, j’avais aussi des religieuses comme professeurs. Elles m’enseignaient le latin, le grec ancien, l’histoire, la géographie et la terrible arithmétique qui me tournait en bourrique. Pourtant, la seule religieuse dont je me souviens du nom aujourd’hui s’appelait sœur Marie Maxime, et c’est elle qui, cent fois sur le métier, remettait son ouvrage pour m’apprendre à compter. Comment suis-je un jour devenue femme d’affaires? Je me le demande sans cesse. Autant j’aimais chacune des lettres de l’alphabet, autant les chiffres me déboussolaient.

En réalité, je dois tous mes succès à l’aide venue d’en haut, de la divine Providence, et de ce Dieu bienveillant et discret, compréhensif et miséricordieux. À la longue, j’ai compris que la religion est humaine et faillible comme chacun d’entre nous ici-bas qui pouvons tomber dans l’erreur ou commettre des fautes. Combien de fois, en ignorant la bonté de mon cœur, ai-je fini par oublier les esseulés, les affligés, les attristés? Et je me crois bénie?

J’ai encore à pardonner à cet époux lointain. Comment dissoudre ma rage, l’oublier, lui pardonner? Avec autant de manquements, comment pourrais-je cogner à la porte du ciel? Je veux m’améliorer, abonnir mon cœur, me rendre disponible à mon entourage et apprendre à reconnaître l’opportunité dans l’accidentel, les enseignements à tirer de l’observance du monde.

Auteur d’une œuvre titanesque sur la spiritualité, Jacques-Bénigne BOSSUET nous incite à cultiver « l’attention qui, en tout, est ce qui nous sauve ». Avec ma meilleure intention, je vais donc approfondir mes observations sans pour autant me fixer d’objectif précis. Pourquoi ne pas contempler mon environnement comme une extraterrestre tout juste débarquée sur notre planète?

Évitant les jugements hâtifs et les idées préconçues, mon regard et mon esprit seront les plus frais, les plus neufs possible afin que s’aiguise et se renforce ma capacité à m’émerveiller, à discerner le vrai du faux, l’extraordinaire de l’ordinaire.

Cora

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