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16 décembre 2022

Un peu d'autocompassion

Ce matin, j’attends que les mots surgissent d’eux-mêmes. J’attends qu’ils s’accouplent pour former des phrases que j’ignore encore.

Hier soir sur l’oreiller, j’avais la larme à l’œil en lisant un beau texte sur l’autocompassion, c’est-à-dire sur le sentiment de pitié qui nous rend sensibles à nos propres malheurs. Oui, oui! Mes phrases ne déboulent pas d’elles-mêmes ce matin. Elles hésitent et pleurnichent. Comment puis-je écrire sur ma propre souffrance; comment puis-je m’ouvrir à elle plutôt que de la cacher sous l’oreiller? J’ai tellement l’impression d’en avoir trop parlé dans mes écrits. Ai-je déjà regardé en face mes faiblesses et mes échecs sans jugement, sans accusation envers quiconque et sans excuse? Ai-je déjà considéré mes épreuves et mes infortunes dans le contexte global de l’expérience humaine?

La plupart d’entre nous vivent dans un incessant tourbillon de contrariétés. Nous rencontrons sur notre route beaucoup trop de nids de poule, de déceptions, de pertes et de souffrances de tout acabit. Et nous les humains, y compris moi-même, nous avons tendance à être négatifs, chiâleux, insatisfaits et, surtout, désappointés. Tellement de fois j’ai cru que l’on me privait d’un bonheur auquel j’avais droit en naissant.

En lisant sur l’autocompassion, j’ai compris qu’il existait une solution. Face à la déception, au lieu de réagir négativement, « nous pouvons nous traiter avec bonté et compassion. Nous pouvons nous donner un soutien émotionnel, comme on le ferait pour un ami proche ou un membre de la famille qui souffre. L’autocompassion ne consiste pas à se dire que nous sommes meilleurs que les autres d’une certaine manière. Il s’agit d’accepter la réalité : peu importe à quel point nous aimerions penser que nous sommes meilleurs, nous sommes des êtres humains, comme tout le monde. Et le fait d’être humain signifie que nous allons tous faire face à des échecs, des déceptions et des pertes à un moment donné. En acceptant que nous soyons imparfaits, nous pouvons changer notre voix intérieure en une voix de soutien, d’acceptation et de compassion. En conséquence, notre cerveau produira moins de produits chimiques stressants afin que nous puissions nous sentir mieux et mieux faire face » (extrait de eSantéMentale.ca).

J’en conclus donc, qu’au quotidien, l’autocompassion consiste à accepter la réalité, peu importe ce qu’il advient. Lorsque nous sommes compréhensifs, conscients d’être imparfaits et bienveillants envers nous-mêmes, nous nous sentons beaucoup mieux. Jadis, je ne connaissais pas grand-chose de la vie et, trop souvent, j’avais la mauvaise habitude de me juger sévèrement. J’avais beaucoup de difficulté à m’accorder quelque réconfort et de la compassion, surtout lors d’interactions verbales avec mes enfants. J’étais sévère et intransigeante avec eux pendant le travail et souvent les tiraillements d’opinion nous suivaient à la maison. J’avais toujours tendance à me blâmer, à être désolée et inclémente envers moi-même.

Certes, j’en avais beaucoup sur les épaules à l’époque du travail acharné. Dieu merci, les obligations se sont calmées et j’ai davantage eu le temps de m’acclimater à la compassion et à la bienveillance envers moi-même. Vous toutes qui, comme moi, êtes entrées dans une éternelle jeunesse, prenez bien soin de votre petit cœur. Soyez bienveillantes envers vous-mêmes. Évitez les confrontations inutiles et les arguments qui s’étirent à n’en plus finir. Détendez-vous même si vos précieuses confitures aux fraises ont collé au fond du chaudron. Ça m’est arrivé l’autre jour! Et, au lieu de me taper sur la caboche, je me suis rappelé ce que disait maman au sujet de faire deux choses en même temps; pendant que les fraises bouillonnaient, moi je m’enflammais en tapant une nouvelle histoire sur mon iPad. L’automne dernier, j’ai tardé à renouveler le contrat du pelleteur de neige et lorsque la neige est arrivée, j’ai dû faire des pieds et des mains pour en trouver un nouveau. Au lieu de paniquer, de me taper sur la tête comme je l’ai fait, j’aurais dû considérer la belle leçon de prévoyance que cela m’a donnée. Quelque mille contrariétés par année occupent nos journées; en moyenne 2,5 par jour. Elles titillent notre patience et font grimper notre tension artérielle. Raison de plus pour accueillir la vie avec détachement et tendresse envers nous-mêmes.

En février 2019, l’eau courante de ma maison a soudainement arrêté de couler. J’ai tout de suite appelé l’hôtel de ville de mon patelin pour apprendre que j’avais un puits artésien sur mon grand terrain. Je n’avais aucune idée où se situait le puits et surtout la pompe qui apporte l’eau à la maison. Comme tout le terrain était recouvert d’une épaisse neige, j’ai finalement trouvé une équipe de braves gaillards qui ont cherché avec des instruments pendant deux jours, sans résultat. Et finalement, ça m’a pris trois jours à fouiller dans mes photos d’enfants jouant sur le terrain en plein été. Sur une des dernières photos trouvées, j’ai vu en retrait, près d’une très haute haie de cèdres, un bâton d’acier brun foncé sortant du sol. J’ai rappelé les gaillards et ils ont creusé à l’endroit précis et ils ont trouvé. En criant ciseau, ils ont tout réparé! Jamais de ma vie je n’ai autant apprécié le retour de quelque chose que j’avais perdu. Quelque chose que je considérais comme très banal, tellement ordinaire que la possibilité d’en manquer ne m’a jamais effleuré l’esprit. Je n’oublierai jamais le soudain surgissement de l’eau dans le grand évier de la cuisine. Comme un miracle, comme une bénédiction!

Cora

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