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14 octobre 2022

Une belle balade en Estrie

Tôt vendredi dernier, je quitte mon joli patelin des Laurentides pour descendre vers le sud, vers les Cantons de l’Est et, plus précisément, vers le Lac-Brome où demeure ma copine Mireille. Elle y passe ses étés depuis 30 ans. Éloignée du brouhaha estival du lac et quasi isolée en pleine forêt, sa propriété est entourée de magnifiques arbres à maturité, de milliers de fleurs sauvages et d’un immense gazon en pente à se rouler dedans comme le feraient des bambins en toute liberté. Du même âge, nous sommes toutes deux encore jolies, alertes et amoureuses de poésie et d’écriture.

Après quelques cafés, des sandwichs et une longue mise au point de nos vies respectives, Mireille me suggère une visite des environs. Il fait un temps magnifique et la nature est stupéfiante. Nous roulons en bavardant, pouffant de rire à l’occasion et nous extasiant devant l’immense courte pointe de carrés verts nous tenant lieu de terre ferme.

J’insiste pour visiter la Grange à livres de Saint-Armand dont j’ai entendu parler à quelques reprises. Nous roulons donc vers le sud-ouest et sommes toutes deux éblouies de notre découverte. Il s’agit d’une immense ancienne grange transformée en paradis du livre usagé, un endroit calme, reposant et magnifique que l’on croirait tout juste sorti d’un conte de fées.

Friandes de livres, Mireille et moi passons quelques heures de bonheur à feuilleter tout ce qui nous intéresse et découvrons avec surprise que nous pouvons emprunter plusieurs livres sans inscription à un quelconque registre, ni date de retour ni frais d’emprunt puisque la philosophie de l’endroit est que les amoureux des livres auront à cœur de vouloir les retourner à la Grange pour en faire bénéficier le plus grand nombre de lecteurs possible.

Les proprios de la Grange exploitent aussi, depuis 2009, le Clos de l’Orme Blanc, un ancien vignoble qu’ils ont entièrement remis au monde. Leurs valeurs émanent de ce lieu : plaisir, harmonie, respect, partage et simplicité.

Pour l’ancienne femme d’affaires que je suis, cette entreprise est un rêve devenu réalité, un paradis entrepreneurial. Après avoir dégusté le vin nouveau, nous achetons deux bonnes bouteilles et quittons l’endroit avec presque la larme à l’œil.

Vers 17 heures nous arrêtons chez Metro pour un poulet BBQ, des laitues, des petits légumes et de la crème glacée HÄAGEN-DAZS comme dessert. Repues et un tantinet pompettes, nous redevenons les jeunes étudiantes qui dormaient tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre, jasant jusqu’à tard dans la nuit, refaisant le monde et osant clamer tout haut nos rêves d’avenir. Je m’endors aux aurores, prisonnière bienheureuse de milliers d’étagères de livres grimpant jusqu’à toucher le ciel.

Samedi matin, j’essaie bien en vain de convaincre ma copine de se rapprocher du village. Sur l’autoroute 10 vers Montréal, ma tête de lendemain de veille a besoin de s’aérer. J’ouvre les fenêtres. Approchant de Granby, je tourne à droite vers une halte et j’attrape mon premier café.

10 h 20. Je me réveille enfin. La circulation est fluide. Je roule à 100 km/h. J’aime conduire, surtout avec ma toute nouvelle Mini Cooper vert anglais. Je l’ai depuis trois jours! L’ancienne était gris souris. Je ne maîtrise pas encore le nouvel écran d’affichage électronique, mais je sais comment allumer la radio. C’est l’essentiel. J’attends le livre d’instructions en français que l’on m’a promis. Ce court voyage va me permettre d’écouler le premier plein d’essence inclus avec l’achat.

MONTRÉAL 10 kilomètres
Plus je roule et plus ma tête dessaoule. Caché derrière un nuage, un pilote d’hélicoptère surveille les approches du pont Samuel-De Champlain. Tout va bien, j’avance à sens inverse de la circulation. Les citadins quittent la ville et moi je rentre à la maison. Je traverse la ville et embarque sur l’autoroute 15. Je m’aperçois que beaucoup de Montréalais quittent aussi la ville vers le nord me suivant sur mon autoroute 15. La circulation s’épaissit. Heureusement, ma tête s’éclaircit. Elle est tellement claire, que je repense à la copine Mireille et à nos conversations concernant notre avenir de quasi-centenaires encore vivantes.

En mai dernier, j’ai entrepris mon dernier quart de siècle, et en ce qui concerne mon futur, qui diable pourra me dire ce que je devrais faire? Continuer de vivre comme je l’ai toujours fait? Bien sûr. Ralentir mes transports, éviter de prendre des risques, surveiller mon alimentation, dormir plus longtemps, manger moins, prier plus? Qui pourra me dire ce que demain me réserve? Est-il encore temps d’entreprendre quoi que ce soit?

Soudainement, ces étranges interrogations grimpent vers les montagnes plus vite que ma toute nouvelle bagnole. Devrais-je arrêter de m’interroger? Quel grand sage pourra me prédire ce que je peux continuer d’espérer?

Moi qui ne rêve qu’à de nouvelles expéditions, qu’à acquérir de nouvelles connaissances, qu’à expérimenter de nouvelles aventures. Moi qui raffole d’en apprendre toujours plus et de perfectionner tout ce que j’expérimente. À quel âge sera-t-il convenable de sonner le glas? Je veux mourir en santé, la plume à la main avec un gâteau au citron en train de cuire dans le fourneau. Je ne veux pas arrêter d’arroser mes plantes vertes ni arrêter de pédaler sur le nouveau bicycle stationnaire que mon plus jeune fils vient tout juste de m’installer dans la bibliothèque.

Je ne veux surtout pas arrêter de rêver que je peux un jour devenir une bonne raconteuse d’histoires véridiques. Je vous implore tous là-haut, laissez-moi continuer de faire tout ce que je fais bien et tout ce qui me fait du bien. Nous, les vieux, rêvons tous d’une ultime jeunesse pour avoir le temps d’épuiser tous nos désirs, pour vider la « bucket list » de nos rêves.

Hier matin au café du village, mon ami le pilote de brousse m’apprend qu’il revient tout juste d’une semaine de vacances à Cape Cod avec ses enfants et petits-enfants. Il me raconte leurs expéditions de pêche, quelques escalades en montagne et surtout leurs délicieux soupers de poisson que leur a cuisiné la belle-mère de la femme de son plus vieux garçon. Et parlant repas de poisson, le pilote s’enflamme et me raconte que les goélands américains, deux fois plus gros que les nôtres, se nourrissent entre autres de crabes. Il m’apprend donc que les goélands ont tellement de difficulté à ouvrir la carapace des crabes, qu’ils sont obligés de les attraper avec leurs becs, de les transporter assez haut dans le ciel et ensuite de les laisser tomber sur l’asphalte pour que leurs carapaces se fracassent et qu’enfin ils puissent picorer la tête et le corps de ces pauvres crabes.

Ouache! Quelle fin atroce!

Cora

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