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10 décembre 2021

La fameuse conciliation vie professionnelle et vie de famille!

Voici qu’un beau jour arrive, à nos bureaux, cette journaliste bien intentionnée qui s’entête à me demander comment j’ai réussi à concilier vie familiale et vie professionnelle.

Et moi de lui répondre que je n’ai pas du tout réussi à concilier ces deux mondes. Et elle de vouloir en savoir davantage.

« À l’ouverture de notre premier resto, chère dame, à cause du manque de ressources, toute la vaisselle, toutes les casseroles et tout le petit ameublement de notre maison (vendue pour acheter le fonds de commerce) avaient été apportés au resto. Et c’est ainsi que notre vie familiale s’est installée, elle aussi, dans ce premier petit resto, autour de la table de cuisine de feu ma mère trônant bien en évidence dans l’encolure de la bay window du resto. La table de maman est demeurée l’épicentre de notre vie familiale en même temps qu’elle servait à accueillir les clients pendant les heures ouvrables. C’était d’ailleurs la table préférée de tous. »

Nous y prenions, les enfants et moi, nos deux repas de la journée; celui très tôt le matin avant l’école, et celui vers cinq heures tenant lieu de souper avant d’aller dormir.

Pour le reste de nos activités personnelles, nous avions loué un quatre pièces et demi non loin du resto sur une rue achalandée du nord de Montréal. Encore aux études, le plus jeune revenait au resto chaque jour après le collège pour laver à grande eau tout le plancher de la salle à manger et celui plus coriace de la petite cuisine. Il aidait au récurage des casseroles et bien souvent, il nettoyait minutieusement la grande plaque chauffante. Chaque jour, il faisait sa part de ménage et ensuite il mettait les ustensiles et les assiettes sur notre belle table ronde et sortait les restes du midi du gros réfrigérateur commercial. Il les séparait selon les préférences de chacun et réchauffait chaque assiette de nourriture. Enfin tous assis autour de la table, nous jasions de la journée de travail comme si nous étions de jeunes exécutifs avides d’avancement.

Les week-ends, comme tout le monde travaillait au service ou à la cuisine, il arrivait souvent que ma fille baragouine ses consignes au plus jeune en langue grecque. Celui-ci pestait en affirmant qu’il connaissait par cœur la liste de préparatifs qu’il avait à faire pour le lendemain. Le ton montait quelques fois, mais l’amour avait toujours le dernier mot.

Sans nous en rendre compte nous prenions le pli de ce qu’allaient être les dix prochaines années du commerce familial avec une maman qui remettait toujours à PLUS TARD les demandes des enfants, même les plus raisonnables : un jour de congé ici et là, quelques piastres supplémentaires pour une gâterie.

Ma réponse était toujours la même : « Maintenant, nous avons besoin de chaque cenne noire pour l’entreprise, mais PLUS TARD, plus tard je vous le promets ON SERA BIEN ».

Durant de longues années, les enfants ont essayé de savoir QUAND arriverait ce fameux « plus tard » tant attendu. Puis ils ont compris que maman ne vendrait pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Ils se sont fait une raison et travaillaient pour payer l’essentiel avec un maigre extra les jours d’affluence exceptionnelle.

Même lorsqu’on est arrivés à régler nos factures à temps et à satisfaire nos employés, la situation n’a pas beaucoup changé. Ma gourmande ambition calculait sans répit chaque dollar économisé pour ouvrir le prochain restaurant.

Je me souviens du jour où nous avons fêté notre cinquième anniversaire. Tout avançait rondement, mais moi, j’avais encore la tête ailleurs lorsque mon jeune fils a essayé de m’expliquer que nos rendements étaient très satisfaisants. Je le savais, mais j’avais toujours cette damnée manie de vouloir accumuler une petite réserve pour être capable de profiter d’une bonne occasion.

Enfin, lorsque le plus jeune a pris le flambeau en 2007, il a quand même dit devant tout le monde : « Merci maman pour notre compagnie prospère et sans dettes. »

À mes débuts, j’étais incapable de ralentir et les enfants me suivaient.  Me motivant pour aller encore plus loin. Je ne pouvais absolument pas imaginer ma vie sans eux. Même si plusieurs circonstances m’ont empêchée d’être une maman modèle à la maison, mon cœur a toujours battu uniquement pour eux… et pour la « business » bien entendu.

- « Non madame, je n’ai été ni équilibrée ni capable de séparer les exigences et les responsabilités liées à ma vie professionnelle et à ma vie familiale ». Elles étaient indissociables pour moi. Tout arrivait en même temps dans ma tête, tout faisait partie de la même gestion des priorités. 30 $ dollars pour les nouveaux manuels scolaires du jeunot, 18 $ pour le lavage des vitres du resto et 22 $ pour le changement d’huile de la Renault 5 chez Canadian Tire.

C’est mon cœur de maman qui m’a donné le courage d’ouvrir un premier petit resto. Sachez madame que ce sont mes qualités de mère de famille qui ont été déterminantes dans mon succès : la ténacité, le sens des responsabilités et de l’organisation, l’amour de ma famille, la discipline et cet ardent désir de faire plaisir au monde, de bien les accueillir, de prendre soin d’eux et d’enseigner aux miens à faire de même.

Ça n’a pas toujours été facile pour mes enfants d’avoir une maman sur les talons à cœur de jour ni d’être au garde à vous lorsqu’elle exigeait qu’une nouvelle tâche soit faite immédiatement. Mais le soir au souper, nous finissions toujours par nous entendre.

Maman faisait quelques petites concessions à sa rigueur et eux élaboraient des plans pour quand arriverait le fameux « PLUS TARD, ON SERA BIEN ». Le plus jeune rêvait de bagnoles rutilantes, ma fille de voyages intercontinentaux, et le plus vieux, d’écrire des chansons et de les chanter sur la scène en marbre du célèbre théâtre de Dionysos, situé sur le versant sud-est de l’acropole d’Athènes. À coup sûr, un dessert de fou rire et des rêves quasi impossibles savaient ramener la joie autour de la table.

Que se passe-t-il dans ma tête? Je ne me souviens plus de l’année où j’ai moi-même commencé à croire au « PLUS TARD, ON SERA BIEN ». Était-ce à l’ouverture du trentième ou du cinquantième restaurant? Était-ce en 1998, ou en 2001, l’année où nous avons ouvert notre premier restaurant hors Québec? Je me souviens pourtant de la centième ouverture. L’exubérance de ma joie aurait pu transporter une montagne.

Pensais-je pour autant que nous étions sauvés des eaux?

À mes débuts, mon intention était de pouvoir changer le damné karma de pauvreté dont mes enfants risquaient d’hériter. Je croyais alors que l’argent allait compenser nos misères de jadis. Puis à force de bûcher pour avancer, j’ai vite compris que la véritable richesse consiste à reconnaître nos talents et à saisir les opportunités à exploiter!

❤️

Cora

Psst : Et lorsqu’en mai 1996 nous avons fermé notre premier petit resto pour en construire un beaucoup plus grand dans le même territoire, nous avons pris bien soin de déménager la table de maman dans le premier petit bureau chef de l’entreprise Cora. Cette bienheureuse table est encore avec nous aujourd’hui, à la retraite dans l’immense nouveau bureau chef de l’entreprise, construit en 2008 sous la prudente gouverne de notre président.

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