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31 décembre 2023

Qui suis-je?

Vaille que vaille, les pages du calendrier s’empilent et je suis encore là.

Toc, toc, toc. Je cogne à la grande porte et Saint-Pierre ne me répond pas. Aurais-je encore quelques aventures à vivre avant de murer mes paupières? Qui suis-je, finalement? Une barbouilleuse de papier blanc?

« Tu es une battante, une entrepreneure, une fonceuse que rien n’arrête », radote ma meilleure amie. « Tout le monde envie cette faculté que tu as de croire que tout est possible. Tu te lances sans filet. Une porte se ferme et toi tu passes par le trou de la serrure. Si tu tombes, tu rebondis en criant ciseau. »

Quelques détails me semblent vrais. Aucune épreuve jusqu’ici n’est venue à bout de mon énergie. Il s’agit assurément du cadeau le plus précieux que j’ai reçu d’en haut; une bonne santé, une endurance à toute épreuve, une vaillance musclée et une solide détermination. Mon entourage pourrait croire que je suis née ainsi, mais comme tout le monde, j’ai eu mes années de larmes et de misère et je m’en suis finalement sortie. J’ai découvert l’inestimable courage et ses acolytes : l’optimisme et la persévérance.

Mes attributs de cuisinière émérite m’ont beaucoup aidée. Ces premières années à la plaque chauffante ont enflammé ma créativité. C’est ainsi qu’un concept de restauration hors du commun a vu le jour. Aujourd’hui, j’aime encore les bravades et le travail bien fait. Ça oui! Chaque séance d’écriture matinale se révèle un nouveau défi; une page blanche sur laquelle voyager. Les premières lignes sont comme un avion qui s’élève. On rampe ventre à terre, on sent la friction du sol, on piétine, on prend son élan et sans trop de bagage, une histoire décolle. Les mots rares, les verbes coriaces, les phrases endimanchées, la position des virgules; toutes les étapes de l’écriture me fascinent.

J’ai cette habilité déconcertante à vivre mes émotions, à les exprimer sans filtre. Profonde à mes heures et aussi légère qu’une plume, je passe souvent du loufoque au dramatique au gré de mes ressentis. Je n’ai pas l’habitude de censurer mes propos, mais à plutôt étourdir mes amis avec un continuel fourmillement d’idées et de désirs. J’aime les gens un peu dingues, les artistes, les rêveurs, les patenteux et tous ceux qui n’ont pas peur d’afficher leur véritable nature.

Je revisite à l’occasion mes anciennes vies, l’enfance en Gaspésie, mes parents, les grandes études, le mariage grec, l’entreprise Cora et finalement les joyaux de la couronne que me sont ces trois dernières années d’écriture quotidienne. Rien ne me choque vraiment, rien ne me surprend et rien ne semble pouvoir déranger ma sérénité. Malgré tous les récents chamboulements sur la planète, le monde ne cesse de m’émerveiller.

Je suis d’une disponibilité sans borne lorsqu’il s’agit d’amitié. Mon groupe de bons larrons pourra le confirmer. Veut, veut pas, lors de nos rencontres, je ferme le clapet de la tablette. Même si je gazouille dans un paragraphe sublime, je quitte ma bulle et je rejoins tous les yeux à ma table. Les amis demeurent plus importants que les romans qu’ils m’inspirent bien souvent. Dixit Flavius (nom d’emprunt) dont la compagne a pris le large. L’ami a pleuré, puis il en a fait son deuil et le revoici fringant, tout guilleret à la pensée d’une nouvelle figure à aimer. Ainsi s’écoulent nos existences quelquefois lentes comme une promenade de tortues, d'autres fois vite comme une tornade avaleuse de vies.

L’écriture m’a sauvée des eaux. Je me suis souvenue, j’ai parlé, j’ai raconté et je me suis allégée. Tous ces paragraphes noircis d’états d’âme, de pleurs et de silencieux chagrins. Tous ces mots triés sur le volet, ces verbes blessants, ces adjectifs choquants, je les ai tous avalés comme si je mourais de faim. Et par magie, l’écriture m’a nourrie. Elle a rassuré mon cœur, guérissant la plupart des blessures restées en suspens.

Je me sens plus légère, enjouée et profonde à la fois. J’ai apprivoisé l’écriture avec un bouquet de fleurs dans chaque paragraphe. La fondatrice en moi, la vieille guerrière est en train de muer. Ses appétits de conquête prennent désormais la forme de chasses aux trèfles à quatre feuilles, de solides amitiés, de lectures inspirantes et de précieuses pages d’écriture.

Vaille que vaille, les lettres du dimanche s’empilent et je suis encore là.

Cora

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